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L’état de l’Espagne n’a pas changé. La France n’a, que nous sachions, aucune garantie contre une nouvelle révolution de ce côté ; rien ne lui démontre qu’elle puisse toujours conserver la situation de surveillance à laquelle elle a borné sa tâche en ce moment. On parle d’une demande d’intervention adressée au ministère, par les provinces basques et par la Navarre, qui s’engageraient à déposer les armes, si un corps de quinze mille Français venait les garantir des vexations carlistes. Mais nous ne savons jusqu’à quel point ce bruit est fondé. Dans tous les cas, que cette demande fût accueillie ou non, serait-ce le moment de laisser une lacune dans le personnel de l’armée, et de se mettre hors d’état de disposer d’un corps de troupes pour une nécessité imprévue ?

Le gouvernement des États-Unis évite de blesser l’Angleterre au sujet du Canada, et M. Van Buren n’a pas dit après l’affaire de la Caroline, comme un de ses plus illustres prédécesseurs, Jefferson, après celle de la Chesapeake, en 1808 : « Si l’Angleterre ne nous donne pas satisfaction, nous prendrons le Canada. » Ce ne sont au contraire que protestations de neutralité, de désintéressement, de fidélité aux traités ; ce ne sont qu’instructions du secrétaire d’état américain, M. Forsyth, pour empêcher toute communication entre les patriotes canadiens et leurs partisans dans les états voisins, pour prévenir tout envoi d’argent, de secours et de munitions aux insurgés. Bien plus, M. Van Buren demande au congrès des pouvoirs extraordinaires et une réforme des lois existantes, pour forcer à la neutralité les citoyens de New-York, de Vermont, du Michigan, qui pourraient envisager la question canadienne sous un autre point de vue que le gouvernement fédéral. Le congrès paraît lui-même animé de sentimens analogues à ceux du président, et les orateurs de l’opposition se sont contentés de faire malignement observer que le cabinet de Washington n’avait pas eu tous ces scrupules dans la question du Texas. La raison de cette différence ne serait-elle pas dans la faiblesse du Mexique et dans la puissance de l’Angleterre ? ou le gouvernement des États-Unis serait-il devenu subitement, sous la direction de M. Van Buren, plus religieux observateur des traités, plus modéré dans ses prétentions, plus juste dans ses rapports avec les puissances européennes ? Nous ne croyons ni l’un ni l’autre, et selon nous, c’est à des motifs bien graves et d’un ordre différent qu’il faut attribuer la conduite actuelle des États-Unis relativement au Canada.

Tout le monde a remarqué que depuis quelques années il a été fort souvent question, à Washington, des intérêts opposés du nord et du midi de l’Union, et qu’il a fallu beaucoup d’habileté pour maintenir l’équilibre entre ces deux grandes portions de la république. Les hommes les plus éclairés, les meilleurs esprits et les meilleurs citoyens de l’Union désirent que cette harmonie se maintienne, que le lien fédéral continue à embrasser tous ses membres, dont il fait la force, et qui s’affaibliraient en s’isolant. Mais ils comprennent que, pour assurer la durée de ce système, il est nécessaire de respecter le statu quo actuel, de conserver la proportion présente des forces, de ne pas introduire dans