Dès que leur nouvel asile fut déblayé de ce qui l’encombrait et garni de matelas, que les habitations voisines fournissaient en grande abondance, ils y furent transportés. En même temps, on avait placé des postes devant tous les magasins de l’état, de peur que le gaspillage et le désordre ne s’attachassent, comme un ver rongeur, à ces dépôts, dont dépendaient, sous beaucoup de rapports, les déterminations à prendre sur le sort de notre conquête. Une partie des troupes fut introduite dans la ville, tandis que le reste continua à occuper les anciennes positions. Les soldats logés dans l’intérieur et ceux du dehors, lorsqu’ils pénétraient par les faux-fuyans et les sentiers escarpés dans la Capoue qui leur était interdite, parcouraient avec une étonnante verve d’activité toutes les habitations restées ouvertes, et dont la plupart étaient abandonnées, enlevant les couvertures, les tapis, les matelas et les objets d’habillement, qui leur tombaient sous la main. Beaucoup d’officiers déployèrent, à cette occasion, un grand luxe de sainte indignation et d’austère stoïcisme, gourmandant, avec un emportement plus fondé en motifs généraux qu’en raisons actuelles, de pauvres soldats qui, après de rudes privations, voyaient à leur portée des élémens de bien-être, et croyaient pouvoir en profiter. Ceux-ci, en effet, se croyaient absolument dans leur droit, lorsqu’ils travaillaient à se pourvoir contre les intempéries de la saison et les incommodités du bivouac aux dépens du luxe d’un ennemi qui était tombé d’épuisement, plutôt qu’il ne s’était rendu, pour éviter aux deux partis les calamités extrêmes, et qui n’avait tendu le rameau de paix à ses adversaires que tout baigné de leur sang. Dès le matin du troisième jour de l’occupation, l’ordre était rétabli. Les soldats, casernés dans les rues qui avaient été régulièrement assignées aux divers corps, s’occupaient à nettoyer leurs armes et leurs vêtemens, comme dans les cours des quartiers d’Europe. La population, d’abord fort appauvrie en nombre par la fuite des cinq ou six mille individus que la crainte de nos armes avait successivement détachés de son sein, se reformait déjà, et s’arrondissait par les rentrées quotidiennes de nombreuses familles. On voyait les habitans, dans certaines rues qui leur avaient été plus particulièrement abandonnées, dès le soir même de notre entrée, s’asseoir devant leurs portes avec un calme parfait, et former devant leurs maisons de petits cercles, où, accroupis les uns à côté des autres, ils causaient avec une grave insouciance, comme si aucun évènement extraordinaire ne s’était accompli dans la journée, et qu’ils eussent à se raconter seulement des histoires des temps passés ou des pays lointains, et non des faits encore chauds, dans lesquels ils avaient été acteurs, et dont ils étaient victimes.
Constantine est un grand et triste assemblage de maisons, avec des ruelles tortueuses et infectes, vrai labyrinthe de cloaques et d’égouts. Les habitations, construites à la base en briques mal cuites, et dans la partie supérieure en matériaux de terre séchée au soleil, hautes, couvertes de toits en tuiles noirâtres, pressées les unes contre les autres, avec des étages en saillie