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LES CÉSARS.

pensée, jeta sur la mer deux vastes digues ; pour leur servir de base, il coula le navire qui avait apporté à Caius l’obélisque d’Égypte, ce navire, la plus merveilleuse chose, dit Pline, que la mer eût jamais vue ; il conquit ainsi sur la Méditerranée la place de son port, et à l’extrémité du môle jeta un phare.

Le blé arrivait donc à Rome par le Tibre, mais l’eau ne pouvait lui venir que du centre de l’Italie ; il fallait que les aqueducs lui apportassent autant d’eau que lui en donnait le Tibre. Claude acheva l’aqueduc de Caius, pour l’entretien duquel il créa une compagnie de quatre cent soixante personnes, et y ajouta d’autres sources, qu’il appela l’eau Claudia. Il alla chercher l’Anio, l’enferma dans des digues de pierre, l’amena jusqu’à Rome, et le divisa en nombreux et superbes réservoirs, de sorte que ceux qui n’avaient ni parfums à mettre dans leurs baignoires, ni vin dans leurs coupes, purent néanmoins boire et se baigner magnifiquement.

Il serait curieux d’étudier ces travaux de l’ancienne Italie ; je laisse cela aux Italiens modernes, qui commencent à prendre goût aux œuvres de grande industrie, et qui referont d’ici à cinquante ans quelques-uns de ces beaux monumens d’utilité que firent les Romains. César, qui était un homme à grandes pensées, qui avait aussi comme ce fou de Caligula, comme Néron, comme d’autres encore, et toujours inutilement, rêvé le percement de l’isthme de Corinthe ; César, qui rêvait le dessèchement des Marais-Pontins, la construction d’une route à travers l’Apennin de l’Adriatique jusqu’au Tibre, César avait avisé dans le revers oriental de l’Apennin un lac étendu, abondant, élevé, dont le dessèchement lui paraissait facile et devait donner de vastes terres à la culture, qui avait si peu de place en Italie. Le temps lui manqua pour cette pensée comme pour bien d’autres ; Auguste la rejeta, Claude la saisit.

Mais au lieu de conduire les eaux vers l’Adriatique, il voulut leur ouvrir un passage à travers les sommités de l’Apennin, et les jeter dans le Liris, fleuve de la Campanie. Pendant onze ans, trente milliers d’hommes travaillèrent sans relâche, creusant, coupant la montagne, et perçant un canal long de trois milles. Quand il fut achevé, Claude voulut l’inaugurer par une grande fête. Le long des côtes, il plaça des radeaux montés par des prétoriens, au-devant un rempart armé de machines de guerre ; — dans ce cercle, vingt-quatre vaisseaux pontés, divisés en deux flottes, et qui avaient cependant assez d’espace pour se mouvoir, se combattre, s’attaquer, se fuir ; — sur ces vaisseaux dix-neuf mille hommes, tous condamnés à