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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/630

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REVUE DES DEUX MONDES.

plus tuer son affranchi, il doit encore le secourir ; comme tous les membres de la gens, l’un et l’autre portent le même nom, ils succèdent réciproquement à l’héritage l’un de l’autre. L’affranchi ou le client doit au patron foi et hommage, véritable allégeance féodale ; s’il est félon (ingratus), il redevient esclave.

Au-dessus de la gens est la curie, au-dessus de la curie la tribu. Mais remarquez comme cette classification d’un peuple par familles est de tous les temps et de toutes les races : ce sont les tribus d’Israël, les tribus et les phratries d’Athènes, les schiatte de Florence, les alberghi de Gènes, les seggi tocchi de Naples, les clans d’Écosse et d’Irlande, les dizaines et les centaines du moyen-âge, les tythings et les hundreds des Anglo-Saxons.

Mais il faudrait un long discours pour bien faire connaître cette citadinanza romaine, dirai-je avec Dante ; il faudrait, après avoir indiqué cette division pour ainsi dire domestique en tribus, en curies, en gentes, en familles, fondée sur la communauté d’origine, fortifiée par les formes de la vie publique, sanctionnée par la propriété de certains sacrifices et de certains dieux, faire connaître les divisions politiques et leur merveilleux ensemble, leurs vicissitudes long-temps répétées sans que l’ordre général en fût atteint, leurs formes rigoureuses et régulières, bien que le cours des temps les ait rendues obscures pour nous. Ni la république ni la société n’étaient livrées au hasard : à Romulus, c’est-à-dire à une ordination primitive et supérieure, remonte toute institution, toute division, tout cet ordre dont l’histoire intérieure de Rome ne fut que le développement ; ainsi la distinction des trois ordres, l’institution des chevaliers qui sont la partie jeune, active, militante de la nation, la formation du sénat (l’assemblée des anciens, la βουλη des villes grecques, le conseil des soixante-dix vieillards en Israël) ; — ainsi la création des trois premières tribus, leur division en curies, plus tard en centuries par Servius Tullius, c’est-à-dire par le temps, par l’expérience, par l’aristocratie réfléchissante et instruite ; — ainsi, dans l’ordre militaire, ces mêmes formes encore répétées : la tribu devenant légion, ayant son chef propre (tribunus), la curie cohorte, la centurie commandée par ses centurions ; — ainsi ces formes étendues encore à tout ce qui de près ou de loin s’agrège à la communauté romaine : les cités vaincues plus ou moins rapprochées de la cité reine selon leur parenté avec elle ou leur mérite à la servir, les unes admises à tous les droits de la nationalité, et, pour parler cette langue énergique, la langue officielle de Rome, faites terres romaines (fundi fieri) ; les autres,