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qui me coûta six talens. Pendant que je faisais d’aussi lourdes dépenses, et que loin de mon pays je m’exposais tous les jours pour vous à de nouveaux dangers, je n’en suis pas moins entré dans les contributions, une fois pour 30 mines et une autre pour 4,000 drachmes. De retour à Athènes, sous l’archontat d’Alexius, je fus nommé gymnasiarque dans les Prométhées et je remportai le prix ; je dépensai en cette occasion 12 mines. Plus tard, je fus institué chorége d’un chœur de jeunes gens, ce qui me coûta plus de 15 mines. Sous l’archontat d’Euclide, étant chorége pour Céphisodote dans les comédies, je fus vainqueur, et avec la consécration du costume cette dépense s’éleva à 16 mines[1]. Dans les petites Panathénées, je fus chorége de jeunes pyrrhichistes et je déboursai 7 mines. Je remportai le prix dans une lutte de galères auprès du cap Sunium, et les frais me coûtèrent 15 mines. Je ne parlerai pas de la fonction de chef des théores et d’intendant des sacrifices de Minerve, ni d’autres emplois qui me forcèrent à dépenser plus de 30 mines. Sans doute, si j’eusse voulu m’en tenir aux obligations légales, je n’aurais pas dépensé le quart de ces sommes[2]. »

Une loi décrétée sur la proposition de Leptine, et contre laquelle parla l’année d’après Démosthène, prouve manifestement que tout le monde, à cette époque, cherchait à s’exempter des charges de la choragie. Cette loi de Leptine avait révoqué les nombreuses exemptions accordées pour des services vrais ou faux rendus à l’état, et elle n’avait excepté de cette suppression de priviléges que les seuls descendans d’Harmodius et d’Aristogiton.

Déjà sous l’archonte Callias, il avait fallu autoriser deux citoyens à se réunir pour faire les frais d’un chœur[3]. Plus tard on permit à un seul chorége de représenter à la fois deux tribus : c’est ainsi que nous voyons le chorége de la tribu Érechtéide, pour lequel plaida Antiphon, recevoir en sus, par la voie du sort, la choragie de la tribu Cécropide[4]. À la même époque on permit à des étrangers de fournir aux frais des chœurs sous le nom de citoyens qui n’auraient pu que difficilement supporter cette dépense. Plutarque nous apprend que quand ce fut le tour de Platon de défrayer dans sa tribu un chœur de jeunes gens, Dion, qui séjournait alors à Athènes, acquitta cette dépense sous le nom du philosophe[5].

Malgré ces tempéramens, il arrivait quelquefois qu’une tribu ne pouvait trouver de chorége. Quand, dans la 106e olympiade, Démosthène s’offrit

  1. C’est la moitié de ce que coûtait un chœur tragique ; mais il faut remarquer que sous l’archontat d’Euclide les chœurs comiques avaient été forts restreints.
  2. En effet, la choragie était une des liturgies, ou charges publiques, que tout riche Athénien était tenu de remplir (Demosth., in Leptin., passim), mais qui ne pouvaient être imposées que de deux années l’une. id., ibid., pag. 542, B. — Xénoph., Œconom., cap. II, § 6.
  3. Aristot. ap. Schol. Aristoph., in Ran., v. 405.
  4. Antiph., orat. XVI, pag. 142. — Isocrate et Démosthène nous font connaître un singulier usage : lorsqu’un citoyen voulait en forcer un autre qu’il supposait plus riche que lui, à remplir une liturgie ou charge publique onéreuse, ce citoyen pouvait contraindre celui qui prétendait lui imposer cette charge à changer avec lui d’héritage. Isocrat., De permutatione, passim, et De pace, pag. 185, A. — Demosth., Philipp., i, pag. 52, D ; id., in Phœn., pag. 1023, A et passim.
  5. Plutarch., Dion, cap. XVII.