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auteur[1]. Il est probable qu’elles ressemblaient plutôt à la comédo-tragédie d’Alcée ou aux hilarotragédies de Rhinthon.

Quand, après l’issue malheureuse de la guerre du Péloponèse, toutes les libertés théâtrales furent abolies, les poètes comiques se réfugièrent dans la parodie littéraire ; ils se moquèrent les uns des autres, lorsqu’il leur fut interdit de se moquer des hommes d’état. Les Grenouilles d’Aristophane, qui obtinrent un grand succès et qui furent jouées deux fois, ne sont, au fond, qu’une parodie élevée à la hauteur comique ; c’est le chef-d’œuvre du genre.

Nous possédons sur un vase grec de Pæstun, publié par M. Millingen, un spécimen graphique extrêmement précieux d’une de ces tragédies burlesques. Un vieux campagnard, couché sur un lit, est torturé par trois vauriens de valets : cette scène semble appartenir à une parodie de Procruste. Les acteurs de ce petit drame sont ithyphalles et masqués ; tous ont les pieds nus, un seul excepté, qui ne porte pas cependant le socque ou brodequin comique[2]. Plusieurs vases peints du cabinet de M. Durand, offrent des scènes de ce genre. Un d’eux[3] nous montre trois acteurs ithyphalles et masqués, dont un est bossu et tient une lyre. Un autre vase représente la parodie de l’arrivée d’Apollon à Delphes. Le charlatan qui figure l’Apollon hyperboréen, est placé sur les marches de l’escalier qui conduit à ses tréteaux. Il est, comme tous les acteurs qui l’entourent, ithyphalle et masqué[4].

Enfin, pour n’oublier de mentionner aucune des diverses sortes de petites pièces dans lesquelles se décomposa peu à peu le grand théâtre grec, je dois citer le drame comédo-satyrique, dont, suivant M. Eichstædt, il subsiste un échantillon dans le fragment de la Lytierse de Sosithée[5] ; les silles, petits poèmes mordans qui se rapprochaient plus, je crois, de la satire épique ou didactique que du drame, et, finalement, les griffes, sortes d’énigmes, ou, comme nous dirions, de charades en action, que les anciens mimes, et entre autres, Cléon le mimaule, ne dédaignaient pas de représenter. Le plus singulier exemple que nous puissions citer de ces énigmes dramatiques est le griffe de Callias, intitulé : La Théorie ou les Évolutions des lettres. Il nous reste une analyse étendue de cette pièce dans Athénée[6].

Ce qui distinguait surtout les mimes des acteurs de tragédies et de comédies, c’est : 1o qu’ils jouaient sur l’orchestre, au lieu de jouer, comme les acteurs tragiques et comiques, sur la scène ou proscenium ; 2o qu’étant ainsi beaucoup plus rapprochés des spectateurs, ils n’eurent pas besoin de se grandir, et n’employèrent ni le cothurne, ni le socque, ni aucun des moyens d’exagération auxquels les comédiens (ὑποκριταὶ) avaient recours ; 3o que, dans

  1. Athen., lib. ix, pag. 407.
  2. Millingen, Peintures des vases grecs, pag.  69-70, pl. XLVI. — Cette peinture peut aussi servir à fixer plusieurs points douteux d’architecture théâtrale et de mise en scène. Elle laisse voir, par exemple, deux parties qui manquent dans presque toutes les ruines des théâtres anciens, l’hyposcenium et les colonettes.
  3. Vases peints du cabinet de M. Durand, no 670, pag. 230.
  4. id., no 669, pag. 229-230.
  5. Eichst. (De dram. comico-satyr.) réfuté par Herm. (Opusc., tom. I, pag. 44.)
  6. Athen., lib. x, pag. 453, C, seqq. — Dans les anciennes peintures des tombeaux de l’Égypte on peut voir une danse où l’on figurait des mots et des lettres. Rosellini, Monum. civ., pl. C, 4.