Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/758

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
754
REVUE DES DEUX MONDES.

fou, un malheureux chez qui la chasteté agit comme le vin, que le cri de la chair pousse à la luxure, qui ressemble bien plus à une bête fauve qu’à un homme, sujet digne d’étude pour un médecin, indigne d’occuper la poésie. De telles souffrances sans doute ne manquent pas de réalité ; mais toutes les faces de la réalité n’appartiennent pas à la poésie, et si Claude Frollo était accepté comme un personnage poétique, l’imagination, une fois engagée dans cette voie, se flétrirait bientôt. Quant à l’écolier Jehan Frollo, il n’a rien dans son caractère qui égaie le lecteur. Plus rusé que Gringoire, il n’est pas moins avili. Sa gourmandise et sa paresse entêtées qui se comprendraient chez un enfant de douze ans, deviennent monstrueuses chez un homme qui touche à la virilité. À proprement parler Jehan Frollo n’est qu’un reflet de Gringoire. Les espiégleries qu’il conçoit et qu’il exécute, sont plus grossières qu’amusantes ; il n’a dans la bouche qu’un vocabulaire emprunté à la joie des halles et ne parvient pas à dérider les plus indulgens. Je ne devine pas quelle a pu être la pensée de M. Hugo en créant cette figure d’écolier.

Je n’ai rien à dire de Fleur-de-Lys Gondelaurier, car l’auteur a dessiné avec une négligence très pardonnable ce personnage passif. Cette blonde jeune fille, fière de sa beauté, joue un rôle si peu important dans le roman, que M. Hugo était naturellement dispensé d’insister sur le caractère qu’il lui prête. Toutefois il me semble que sans se rendre coupable de pruderie, elle pourrait reprocher à Phœbus de Chateaupers la grossièreté insolente de ses manières. Une jeune fille élevée sous les yeux de sa mère ne peut prendre pour une marque d’amour la familiarité qui réussit tout au plus auprès d’une aventurière aguerrie.

La Esmeralda et Quasimodo sont évidemment les deux principaux acteurs de Notre-Dame de Paris ; c’est sur eux que M. Hugo a voulu concentrer notre attention et notre sympathie ; c’est donc à eux surtout que l’analyse doit s’adresser pour estimer le mérite humain de Notre-Dame. Or, il me semble que ces deux personnages, qui, rapprochés l’un de l’autre, ou plutôt opposés l’un à l’autre, produisent une impression plus voisine de l’étonnement que de la sympathie, supportent difficilement l’épreuve d’une étude individuelle. Je ne reproche pas à M. Hugo d’avoir reproduit dans la Esmeralda, Fenella et Mignon. Loin de là ; je lui reproche d’avoir oublié, dans la création et dans la mise en œuvre de ce personnage, le naturel qui respire dans Peveril du Pic et dans Wilhelm Meister. La bohémienne de M. Hugo est une figure pleine de fraîcheur et de grace quand elle