ficile. Mais il a trouvé moyen d’éluder la difficulté en supposant que cette affirmation est implicitement contenue dans sa théorie générale de la poésie et dans sa théorie du grotesque. Si quinze siècles de christianisme ont été nécessaires au développement du grotesque et de la poésie dramatique, si le grotesque est un élément nécessaire de toute réalité, et si le drame, pour demeurer fidèle à son origine, pour se conformer à l’esprit chrétien, doit reproduire tous les élémens aperçus et mis en lumière par le christianisme, il ne peut se dispenser de mêler le grotesque à toutes ses créations. Une argumentation ainsi conçue n’est certainement pas à l’abri de toute blessure et serait frappée à mort par le premier coup sérieux. Qu’il nous suffise de rappeler que les prémisses sur lesquelles s’appuie M. Hugo sont fausses et ne reposent sur aucun témoignage. Il est inutile de nier la conclusion. Sans doute le christianisme a modifié profondément la forme dramatique comme toutes les autres formes de la poésie ; mais, entre la vérité de cette modification et la réalité posée comme but suprême du drame, il y a un abîme, et, pour combler cet abîme, il faudrait d’autres argumens que la préface de Cromwell. Pour notre part, nous croyons sincèrement qu’identifier le drame et la réalité n’est pas moins que nier la condition fondamentale de toute poésie, c’est-à-dire l’interprétation.
L’intervalle qui sépare la réalité de la poésie a été si souvent démontré, qu’il serait puéril d’insister sur cette vérité depuis long-temps acquise à l’évidence. M. Hugo croit que le triomphe du drame est de compléter l’histoire, de restituer les parties perdues ; ni les historiens ni les poètes ne souscriront à cette affirmation ; mais la théorie du drame réel pourra du moins nous servir à juger les drames de M. Hugo. Si les drames de M. Hugo étaient réels, dans le sens le plus rigoureux du mot, s’ils tenaient toutes les promesses de la préface de Cromwell, ils seraient encore, selon nous, très loin de la beauté poétique ; toutefois ils mériteraient une estime sérieuse. Malheureusement il est facile de prouver qu’ils sont aussi étrangers à la réalité qu’à l’interprétation.
Ce que nous pourrions dire de Cromwell s’applique avec une égale vérité aux trois premiers drames destinés à la scène par M. Hugo : aussi trouvons-nous plus convenable d’aborder sur-le-champ Marion de Lorme, Hernani et le Roi s’amuse. À notre avis, Marion de Lorme est de tous les drames de M. Hugo, le seul qui renferme quelques-uns des élémens de la poésie dramatique. Marion et Didier, qui occupent