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valent-elles autant ou ne valent-elles pas mieux ? Pour le transport des hommes, doit-on désespérer que provisoirement elles en tiennent lieu dans un bon nombre de cas ? Ce sont des questions qui méritent au moins d’êtres soulevées.

Des chemins de fer comparés aux canaux pour le transport des
marchandises et pour le transport des hommes.

Parlons d’abord des marchandises. Sur le chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon, le charbon est taxé à 10 c.[1] par tonneau (de 1000 kilog.) et par kilomètre, ou à 40 c. par lieue de poste (de 4 kilomètres). Ce chemin est le plus fréquenté qu’il y ait au monde ; il est parcouru annuellement par 550,000 tonneaux de marchandises, et par plus de 200,000 voyageurs. Or, on estime que la circulation est animée sur un canal, un chemin de fer ou une route, lorsqu’il y passe 100,000 tonnes. Dès-lors les frais d’administration et d’entretien et l’intérêt du capital engagé, se répartissant sur une immense quantité de marchandises, se trouvent proportionnellement réduits à leur plus simple expression et n’entrent que comme un faible élément dans les dépenses relatives à chaque tonneau. Ce chemin descend continuellement de Saint-Étienne au Rhône, et c’est dans ce sens que s’opère la presque totalité des transports ; de là une autre diminution considérable de frais. Enfin il est fort bien administré. Malgré toutes ces circonstances favorables, malgré le service des voyageurs qui est très productif, le chemin de fer de Lyon à Saint-Étienne ne donne qu’un bénéfice net fort modique, et il joindrait tout juste les deux bouts, s’il n’unissait au transport des marchandises d’autres sources de revenus, telles que le transport des voyageurs sur lequel on ne comptait nullement à l’origine, un pont à péage à Lyon (le pont de la Mulatière), une gare à Perrache, et quelques droits d’emmagasinage et de factage.

J’admets que, sur plusieurs points, ce chemin se trouve en assez mauvais état, ce qui occasionne un surcroît de déboursés ; mais cette cause de dépenses est loin de contrebalancer les priviléges dont il jouit, comparativement aux autres chemins de fer qui existent et à ceux qui sont projetés, priviléges dont quelques-uns, et notamment la pente dans le sens du mouvement commercial et l’importance de ce mouvement, sont tout exceptionnels et vraiment uniques au monde. Il me semble donc qu’on se placera dans une hypothèse avantageuse pour les chemins de fer, en supposant que 10

  1. Je prends ici un nombre rond. Le chiffre véritable du tarif est 9 cent. huit-dixièmes.