Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/797

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
793
DES CHEMINS DE FER.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

centimes par tonneau et par kilomètre représentent le prix auquel peut s’effectuer le transport sur les chemins de fer en général[1]. Sur les canaux, au contraire, le nolis ou fret, c’est-à-dire la dépense de traction proprement dite, s’évalue communément à 1 centime et demi par tonneau et par kilomètre. Indépendamment de ce chiffre, qui indique le montant à payer pour salaire du batelier, loyer des chevaux de halage et usure du bateau, il faut compter le péage perçu par le propriétaire du canal, et qui est destiné à couvrir la dépense d’entretien et l’intérêt du capital engagé dans les travaux. Sur toutes les lignes dont le gouvernement dispose à son gré, et pour celles qu’il établira désormais, ce péage ne doit pas être évalué, pour les marchandises encombrantes, à plus de 2 cent. Ainsi, c’est 3 cent. et demi qu’il faut mettre en regard de 10 cent. pour comparer les frais du transport par canaux à ceux du transport par chemins de fer. En un mot avec les chemins de fer on est, quant à présent, autorisé à dire que pour les marchandises usuelles et encombrantes, pour ce qui compose la masse des charrois, la dépense est triple de celle qu’imposent les canaux. Si l’on compare les chemins de fer aux rivières et aux fleuves améliorés ou dans leur état naturel, la différence sera bien autrement considérable ; car, pour les objets encombrans, le droit de navigation n’est que de deux dixièmes de cent. à la descente et de trois dixièmes à la remonte, soit moyennement d’un quart de cent., au lieu de 2 cent. Dès-lors, en supposant le fret le même, ce serait moins de 2 centimes qu’il faudrait opposer à 10, c’est-à-dire que le désavantage des chemins de fer serait, dans ce cas, de 5 contre 1.

On peut élever beaucoup d’objections contre le transport par canaux. Il est quelquefois d’une lenteur désespérante. Il y a quelques années, le charbon qui venait de Mons à Paris consacrait plus de temps, pour faire ce modeste trajet de 85 lieues, qu’il n’en faut à un bâtiment médiocre voilier, pour aller de Bordeaux à la Guadeloupe y déposer son chargement de farines et de vins, prendre une cargaison de sucre, revenir dans la Gironde, se débarrasser encore une fois de ses marchandises, se recharger une troisième fois sans se presser, aller de là au fond du golfe du Mexique, à Vera-Cruz, y débarquer ses productions françaises, avec la mollesse qu’inspire l’atmosphère tiède des tropiques et rentrer à Bordeaux, après être passé à la

  1. Le transport coûte par le roulage ordinaire 20 à 25 cent. et par le roulage accéléré 35 à 40 cent. par tonneau et par kilomètre.