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séjour ; les Olympiens s’enfuient des temples et se dispersent comme de vains fantômes. Enlevé par les archanges, Prométhée remonte au sein de Jéhovah ; le chœur des séraphins célèbre le triomphe de la liberté humaine.

Telle est l’œuvre de M. Quinet. Le style de cette tragédie se distingue, comme le style d’Ahasvérus, par la grandeur et l’abondance ; mais ces qualités sont unies, dans Prométhée, à un ordre plus savant, à une plus grande précision. Il nous suffira, en terminant cette courte analyse, de constater ce progrès, et nous devons nous abstenir d’aborder, pour le moment, les questions d’art et de philosophie que Prométhée soulève. Le poème de M. Edgar Quinet sera le sujet d’un travail spécial que nous donnerons plus tard.


— La première partie inédite de l’ouvrage de M. Villemain sur la littérature du xviiie siècle, depuis long-temps promise et désirée, et que les soins divers et les préoccupations politiques de l’auteur avaient toujours retardée, paraîtra enfin sous quelques jours. Les onze années qui nous séparent déjà de l’époque où ces leçons attiraient la foule à la Sorbonne, ont laissé vieillir la génération qui applaudissait à tant de spirituelles saillies, à une si vive éloquence, mais n’ont rien ôté de leur charme et de leur éclat à ces jugemens, où se mêlent si à propos la finesse et l’élévation. Nos lecteurs n’ont certainement pas oublié le morceau sur Voltaire et la littérature anglaise de la reine Anne, qu’une précieuse communication de M. Villemain nous avait donné l’année dernière. Les deux volumes, dont ce fragment fait partie, comprennent une longue appréciation de Voltaire, de Buffon, de Montesquieu et de Rousseau. Tous les noms moindres d’historiens, de poètes et de romanciers depuis Mably jusqu’à Saint-Lambert, depuis Lesage jusqu’à Fontenelle, y viennent se grouper habilement autour de ces grands écrivains. Nous reviendrons plus au long sur le beau travail de l’illustre critique dès qu’il aura paru.


— La popularité dont jouit depuis longues années l’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands a donné l’idée d’illustrer la cinquième édition de cet admirable livre, et à l’entourer d’un luxe typographique qui répondît à l’intérêt du drame puissant que M. Augustin Thierry a su raconter avec un art de style, une vivacité de narration, qui ne nuisent jamais à la sévérité de l’érudition, à la gravité des jugemens. L’œuvre de l’historien n’avait pas besoin de ces précautions de librairie pour arriver à la réputation européenne qui lui est acquise ; mais maintenant que l’Histoire de la Conquête est en possession d’une popularité qui ne fait que s’accroître, il était juste que les arts payassent enfin à M. Thierry un tribut mérité dont le public sentira la valeur.


— À ceux qui douteraient que les préoccupations du monde et de la politique puissent se concilier avec des préoccupations littéraires, à ceux qui croient que l’égoïsme et la frivolité sont inséparables d’un titre et d’une