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REVUE. — CHRONIQUE.

fortune, l’exemple d’un homme du monde, d’un diplomate, M. le commandeur Mouttinho, ambassadeur du Brésil en France, sera une réponse victorieuse. C’est pour la première fois, grace à M. Mouttinho, que la charmante idylle du Tasse, l’Aminta, a paru traduite dans la langue du Camoëns. M. Mouttinho est lui-même l’auteur de cette élégante traduction, et non content d’employer noblement sa fortune à protéger les lettres, il a voulu également leur consacrer les richesses d’un esprit judicieux, d’une vaste érudition. C’est aussi sous les auspices de M. Mouttinho que vient d’être publiée une traduction en langue française du livre d’Hénoch, sur l’Amitié[1], ouvrage qui n’avait encore été traduit dans aucune langue européenne. Cette traduction est l’ouvrage de M. Pichard, jeune écrivain d’un talent sérieux qu’ont fécondé de consciencieux travaux ; elle pourra servir, nous n’en doutons pas, à tirer la littérature rabbinique de l’oubli injuste où elle est depuis long-temps plongée. Le livre d’Hénoch est la paraphrase hébraïque d’une œuvre fort curieuse, composée en latin par Pierre Alphonse, sous le titre de Disciplina clericalis. C’est un mélange de proverbes, d’allégories et de fables empruntés aux philosophes arabes les plus célèbres. La première partie, intitulée Conseils des sages, présente, sous la forme des exhortations d’un père à son fils, les préceptes de la morale la plus noble et la plus pure ; la seconde partie et la troisième complètent la première en l’éclaircissant ; la forme de la fable, du conte allégorique, vient en aide aux raisonnemens du sage et en rend la conclusion plus saisissante. M. Pichard a joint à la traduction de ces maximes, de ces paraboles naïves, des notes relatives aux antiquités, aux mœurs, à la langue et à la littérature des Israélites anciens et modernes. La publication du livre d’Hénoch est, on le voit, une tentative pleine d’intérêt au point de vue de l’art comme au point de vue de la science, et les consciencieuses recherches de M. Pichard, aussi bien que la généreuse sollicitude de M. Mouttinho, méritent à la fois les éloges des savans et des artistes.


— Nous avons à signaler un début heureux dans la littérature, nous voulons parler du roman de M. Léon de Wailly, qui vient de paraître. Angelica Kauffmann est une œuvre pleine de poésie et de charme, qui, par la délicatesse de l’analyse, par la sévérité de l’exécution, mérite un rang distingué parmi les publications nouvelles.


M. Filon, maître de conférences à l’École normale, vient de publier deux volumes sous le titre d’Histoire de l’Europe au seizième siècle. L’époque qui a été témoin des grandes luttes du Nouveau-Monde, de la rivalité de François Ier et de Charles-Quint, de la réforme, de la ligue et de la renaissance des lettres, ce xvie siècle enfin, si rempli de grandeur et de mouvement dans les faits comme dans les idées, n’avait jusqu’ici été l’objet que de monographies

  1. Librairie de Dondey-Dupré,