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tique au sérieux, et appartenir, du moins de cœur, à l’alliance des peuples constitutionnels.

Nulle part en Europe, si ce n’est peut-être en Angleterre, le mouvement de juillet n’excita une émotion plus universelle et plus vive. Il fut facile de voir que les longs efforts de l’école historique pour reconstituer la nationalité allemande, en dehors des théories modernes, efforts que, selon leur esprit et leur intérêt respectifs, la Prusse et l’Autriche favorisaient depuis 1815, n’avaient exercé aucune influence sérieuse sur l’opinion ; il dut demeurer évident que le torrent des idées nouvelles avait complètement envahi l’Allemagne, malgré les digues élevées par la science à si grand’peine, et le plus souvent à si grands frais. L’exaltation qu’avait entretenue dans ce pays la lutte de la Grèce de 1821 à 1825, avait déjà pu donner aux gouvernemens allemands la mesure de ces dispositions, dont les vives sympathies manifestées plus tard pour la Pologne constatèrent le véritable caractère ; personne ne put douter, en effet, que celles-ci ne s’adressassent moins à l’indépendance de la Pologne qu’à l’esprit révolutionnaire.

L’étincelle de juillet avait embrasé l’Allemagne des bords du Rhin à ceux de l’Elbe, et l’on put craindre un instant que ce pays ne fût menacé de s’abîmer dans une confusion sanglante. Fort heureusement pour les gouvernemens germaniques, que le principe démocratique, fomenté par la propagande parisienne, essaya tout d’abord sa force, avant que le principe bourgeois de la liberté constitutionnelle ne manifestât la sienne. Celui-ci ne se produisit avec son génie propre que plus tard, après les ordonnances de Francfort, et sous le coup de la défaveur et des inquiétudes alors universellement provoquées par les violences et les folies de l’esprit révolutionnaire.

Brunswick donna le signal auquel Leipsick et Dresde répondirent bientôt. Une constitution sortie de l’émeute remplaça, pour la Saxe, ses vieilles lois aristocratiques. La Hesse électorale suivit le même mouvement, et ses institutions furent aussi retrempées dans ce dangereux baptême. Le Hanovre enfin, ce coin de terre encore voué aux influences féodales, mais où, pour la première fois assurément, on voyait étudians et bourgeois fraterniser dans les mêmes espérances et s’unir pour des efforts communs, obtint aussi de la sage prévoyance de son gouvernement des garanties constitutionnelles plus libérales et plus complètes que celles de 1819. La Bavière rhénane surtout, plus immédiatement travaillée par les influences françaises, était devenue le centre d’un mouvement dont le contre-coup se produisit bientôt jusque dans les rues de Munich ; enfin la diète elle-même, menacée dans Francfort par l’insurrection, semblait à la veille de disparaître dans une prochaine catastrophe.

Disons-le ici, non pas pour exprimer quelque regret d’un immense service rendu à la paix du monde, mais pour que la France ne méconnaisse pas sa force, et que l’Europe lui sache au moins quelque gré de sa modération ; disons-le pour qu’on honore notre sagesse, au lieu d’affecter pour notre impuissance des dédains qui n’ont rien de sincère : un drapeau tricolore aurait