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DE L’ALLEMAGNE.

pendance des princes et des peuples, annulés par les sénatus-consultes de la diète. Nous possédons en ce moment, pour agir sur la confédération, un levier plus puissant que celui dont disposait Richelieu, lorsqu’il associait les intérêts protestans aux intérêts français ; nous n’avons pas besoin d’y gager des pensionnaires comme Louis XIV, et d’intriguer, à force d’or, dans les résidences princières : notre action gît tout entière dans le principe que représente la France ; elle est surtout dans les bons exemples que nous saurons donner au monde qui nous observe. Respectons le gouvernement représentatif, qui fonde à la fois et notre dignité personnelle et la force véritable de la nation au dehors ; ne l’amoindrissons pas à des proportions mesquines ; qu’il représente pour chacun de nous un intérêt vraiment social, et que la France n’ait jamais à nous demander compte de la déconsidération qui pourrait le frapper.

Qu’un gouvernement modéré ne veuille pas abuser de l’état présent de l’Allemagne, qu’il ne tire parti ni des sympathies qui nous provoquent, ni des dissidences entre les pouvoirs et les peuples, ni des rivalités des gouvernemens germaniques entre eux ; rien de plus raisonnable et de plus sage assurément ; mais que la France sache bien, et que l’Europe n’affecte pas d’oublier, ce qu’elle pourrait si le soin de ses intérêts ou de son honneur l’appelait à sortir de son repos.

Nous venons de décrire les manifestations récentes de l’élément constitutionnel au sein de la confédération ; essayons maintenant d’apprécier la puissance de l’élément opposé. Celui-ci est représenté par deux grands états qui, par leur union, ont pu triompher pour un temps des tendances de l’opinion publique dans le sens des idées françaises. Mais cette union existe-t-elle avec des conditions de durée, et ces deux grands états ont-ils la libre disposition de leurs forces ?

La situation de l’Autriche est connue ; on sait si, en cas de guerre, l’Italie lui porterait plus de ressources qu’elle ne lui créerait de périls.

Ce n’est pas que nous assumions la solidarité des lieux communs consacrés sur la tyrannie autrichienne. Les canons braqués contre Milan et contre Venise nous inspirent peu d’inquiétude pour ces deux nobles cités. Nous tenons le féroce Germain pour assez bon homme, et l’on peut douter que le Milanais, le Vénitien, le Crémonais, le Mantouan, le Parmesan (ne disons pas l’italien, car ce mot est une abstraction en Italie), fussent parfaitement en mesure de se passer dès à présent de cette vieille tutelle, exercée avec une certaine équité, quoiqu’avec des formes souvent brutales et des procédés constamment maladroits. L’Autrichien n’est assurément pas l’oppresseur de l’Italie, comme l’Ottoman pouvait l’être de la Grèce, comme le Russe l’est en ce moment de la Pologne. Il désire que le bien se fasse, sous la seule condition que ce soit sans bruit. Il laisse agir sans trop d’entrave l’industrie particulière, et pousse l’opinion à s’occuper de chemins de fer, espérant ainsi la détourner de la politique, qui est sa bête noire. Le gouvernement, tout gouvernement autrichien qu’il est, construit et dote des écoles, ouvre d’ad-