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DE L’ALLEMAGNE.

libre du symbole y bouleverse chaque jour davantage les bases mêmes de la doctrine chrétienne. Aux bords du Rhin, l’enseignement du docteur Hermès avançait également cette œuvre de décomposition, déjà trop favorisée par le relâchement des mœurs et la faiblesse de la discipline. Aussi le gouvernement prussien n’avait-il pas vu sans vif déplaisir un bref pontifical frapper la doctrine hermésienne, « en ce qu’elle établissait le doute positif comme base de tout enseignement théologique, et qu’elle posait en principe que la raison est l’unique moyen pour arriver à la connaissance des vérités de l’ordre surnaturel[1]. »

Un écrit, émané d’une source officielle, a récemment dénoncé cette condamnation comme « le premier pas décisif du chef de l’église pour arrêter le développement de la science catholique en Allemagne[2]. » On ne s’étonnera pas, dès-lors, que la publication de ce bref fût interdite dans toutes les provinces de la monarchie. Mais, lorsque des feuilles étrangères l’eurent porté à la connaissance des catholiques, une scission profonde éclata dans le clergé, la majorité adhérant à la décision de Rome, une autre partie se refusant à reconnaître un bref qui n’avait pas été officiellement publié cum placito regis.

Mais une affaire bien autrement importante allait bientôt engager le gouvernement prussien dans une série de mesures dont il lui serait en ce moment bien difficile de déterminer la limite.

L’un des moyens les plus habilement employés depuis vingt ans pour arriver sans éclat à cette fusion graduelle des cultes catholique et réformé, avait été l’usage des mariages mixtes, qui assurait au protestantisme une manifeste prépondérance. Tous les ans, du fond de la Prusse luthérienne, arrivait dans les provinces occidentales une légion d’officiers et d’employés célibataires, trop bien stylés et trop bons patriotes pour ne pas placer au premier rang de leurs devoirs celui d’épouser des femmes catholiques, en fondant ainsi des familles protestantes au sein de ces populations que trop de sympathies rattachaient encore à la France.

La position du clergé, relativement à ces mariages, était devenue, depuis quelques années surtout, difficile et pénible. Une ordonnance royale du 25 septembre 1825 avait étendu aux provinces rhénanes et westphaliennes la règle proclamée depuis 1803 pour la partie orientale du royaume, et décidé que dorénavant tous les enfans seraient élevés dans la religion du père, interdisant formellement aux ministres du culte d’exiger aucune promesse contraire à cette disposition, comme condition préalable de l’administration du sacrement.

Or, en ceci, le cabinet prussien dépassait les limites de la politique ; il faisait de la théologie, et de la plus hardie qui se pût faire ; il mettait, en effet, la conscience de ses sujets catholiques en contradiction avec les règles des

  1. Bref du 26 septembre 1835.
  2. Exposé de la conduite du gouvernement prussien envers l’archevêque de Cologne, Paris, Jules Renouard, 1838.