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foi catholique sépare radicalement ses disciples des chrétiens appartenant aux communions dissidentes.

L’action incessante du gouvernement prussien depuis 1815 s’est en effet exercée en ce sens par l’administration, par l’enseignement, par la presse, par les innombrables moyens d’influence dont dispose un pouvoir fort sur des mœurs faibles et sur des intérêts trop facilement excités.

Le concordat conclu en 1821 avec le saint-siége a donné au gouvernement prussien, sur l’administration de l’église catholique, des droits qui n’ont rien de plus exorbitant, il est vrai, que ceux reconnus au gouvernement français d’après les lois organiques et les décrets impériaux. Mais à Berlin l’application de ces dispositions se fait par des ministres et des présidens de province, tous étrangers au catholicisme, souvent en état de méfiance, si ce n’est d’irritation, contre lui. Les fidèles de cette religion, totalement exclus de la haute administration aussi bien que des grades supérieurs de la hiérarchie militaire[1], sont dans un état d’infériorité évidente, qui impose des sacrifices difficiles à l’ambition, pénibles à l’amour-propre. L’armée et l’enseignement universitaire sont deux moyens puissans dont dispose le gouvernement pour agir et sur le peuple et sur les classes éclairées.

L’organisation religieuse de l’armée est exclusivement protestante, du moins en temps de paix ; l’assistance au service divin et à la prédication est obligée. Le Westphalien, le Silésien, l’habitant des provinces polonaises ou rhénanes, confondus avec les luthériens de la vieille Prusse, compris, malgré leur croyance, dans la juridiction spirituelle d’un pasteur de division, d’après l’ordonnance ecclésiastique de 1832, vivent ainsi plusieurs années dans une atmosphère où la foi de leur enfance ne peut manquer de s’obscurcir.

Par l’enseignement universitaire, le gouvernement domine le clergé catholique, s’attachant à favoriser, dans l’intérêt d’un vague éclectisme religieux, ces tendances rationalistes qui se développent de plus en plus en Allemagne. Il n’y a aucune université catholique pour plus de cinq millions de sujets professant cette religion. Deux universités seulement sont mixtes, celles de Bonn et de Breslau ; les autres restent exclusivement protestantes. Encore à Bonn comme à Breslau, le commissaire royal est-il protestant, et les évêques sont-ils sans influence directe sur le choix des professeurs de théologie catholique, contre l’orthodoxie desquels ils sont seulement admis à présenter des objections au ministre.

Il est résulté de l’ensemble de ces causes, qu’en Silésie surtout, le catholicisme dogmatique est descendu à l’état le plus déplorable. L’interprétation

  1. Si l’on en croit l’ouvrage Sur l’état de l’Église en Allemagne au dix-neuvième siècle, auquel nous empruntons ces détails, il n’y aurait pas dans l’armée prussienne un seul officier-général, pas même un seul colonel catholique.

    Ce livre, imprimé à Augsbourg sous le titre de Beittrage zur Kirchengeschichte des XIXe jahrhunderts in Deutschland, a été saisi par la Bavière sur les réclamations du cabinet de Berlin. Ce n’est point une raison de douter de ses assertions, confirmées par des renseignemens nombreux.