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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/37

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SOCIALISTES MODERNES.

des titres de succès, il n’en aurait jamais existé dont les chances fussent plus belles et plus sûres ; mais malheureusement, en fait de théories sociales, celles-là seules sont stables, qui valent par elles-mêmes, et nous craignons, malgré toute notre estime pour M. Owen, qu’il n’y ait, au fond de la sienne, plus d’impossibilités qu’il ne le suppose.

THÈORIE ET CRITIQUE.

Voici ce qu’énonce M. Owen dans son Outline of the rational system, expression la plus précise et la plus résumée de ses vues.

L’homme est un composé d’organisation originelle et d’influences extérieures, desquelles résultent des sentimens et des convictions, sources de ses actes. Or l’homme n’étant le maître de modifier ni son organisation, ni les circonstances qui l’entourent, il s’ensuit que ses sentimens et ses convictions, ainsi que les actes qui en découlent, sont des faits forcés et nécessaires, contre lesquels il demeure entièrement désarmé. Il les subit, il ne les règle point ; ils se passent en dehors de son consentement et se dérobent à sa puissance. L’individu est donc contraint de recevoir des idées justes ou fausses sans qu’il puisse désirer les unes ou repousser les autres. Son caractère est un fait accidentel indépendant de lui ; sa volonté, résultat de convictions et de sentimens esclaves, n’a ni spontanéité, ni liberté. D’où il ressort que, jouet à la fois et de son organisation qu’il n’a point réglée, et de circonstances d’éducation qu’il ne peut combattre, l’homme ne saurait, sans la plus révoltante injustice, être déclaré responsable de paroles ou d’actes auxquels il est poussé par un concours de nécessités inexorables. De cette absence complète de liberté dans l’individu, M. Owen conclut à la proclamation de l’irresponsabilité humaine, comme loi sociale.

Le bonheur, continue M. Owen, le vrai bonheur, produit de l’éducation et de la santé, consiste dans le désir d’augmenter les joies de nos semblables et d’enrichir les connaissances humaines, dans une association avec des êtres sympathiques, dans l’absence de superstition, dans la bienveillance, dans la charité, dans le culte de la vérité, dans l’usage complet de la liberté individuelle. La science sociale embrasse la connaissance des lois de la nature, la théorie la plus juste de la production et de la distribution des richesses, le perfectionnement de l’humanité et la méthode de gouvernement. — La religion rationnelle est la religion de charité. Quoique cette religion se montre fort réservée sur tout ce qui dépasse nos moyens de connaître, elle admet