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sommes, en cela, de l’avis de M. Guizot. La couronne et la chambre des députés ne sont pas aux prises. Il y a toujours eu, dans la chambre, des adversaires de la couronne. Leur langage a été plus ou moins hostile et hautain, selon les circonstances. Les dernières paroles même qui se sont dites dans la chambre, au sujet de la lettre d’un aide-de-camp du roi, y ont souvent retenti, ces pensées se sont présentées déjà sous des formes plus ou moins rudes ; mais elles trouvaient pour les combattre des voix qui se taisent à présent. Des hommes qui restent aujourd’hui immobiles et silencieux sur leurs bancs, s’élançaient alors à la tribune à la moindre apparence d’attaque contre la prérogative royale, et leurs amis ne venaient pas crier à l’envahissement de la cour et à la violation des priviléges de la chambre. Non, il ne peut y avoir de lutte entre les deux pouvoirs, et M. Guizot a raison de déclarer qu’elle n’existe pas ici. Les soutiens actuels de l’omnipotence parlementaire sont de bonne foi sans doute. Ils sont sincères dans leurs paroles, nous n’en doutons pas, et ce n’est pas quand ils s’écrient que le pouvoir s’en va, que l’autorité du trône s’affaiblit, que la prérogative royale est remise dans les mains de ministres qui n’en font pas assez sentir, dans les chambres, l’importance et le poids ; ce n’est pas quand on tient un tel langage qu’on voudrait persuader en même temps au pays que le pouvoir royal en veut aux prérogatives de la chambre, et qu’elle doit se lever en masse pour protester contre les usurpations de ce pouvoir envahissant !

Disons-le donc avec M. Guizot, la lutte constitutionnelle n’est pas sérieuse ; cherchons avec lui, de bonne foi, le mal qui le rend si pensif et si mécontent, et voyons d’abord aux choses, comme dit l’honorable député, en termes peu dignes d’un académicien.

« À l’intérieur, dit M. Guizot, point de question grave à l’ordre du jour. Les plus décidés partisans d’une politique énergique et prévoyante ne réclament aucune mesure nouvelle, les adversaires des lois de septembre en parlent encore mal, mais la plupart seraient bien fâchés de les voir effectivement menacées. Bien peu de ceux qui demandent la réforme électorale en sont vraiment pressés. — Au dehors il n’y a qu’une question, l’intervention en Espagne, et sur celle-là, il est vrai, les opinions diffèrent réellement. Cependant, parmi ceux qui se prononcent pour l’intervention, peu voteraient en sa faveur s’ils croyaient que leur vote dût effectivement l’amener, et parmi ceux qui la repoussent, beaucoup hésiteraient s’ils étaient contraints d’accepter les conséquences, je ne dis pas probables, mais possibles, de leur refus. »

Est-ce bien M. Guizot qui a écrit ces lignes ? Eh quoi ! c’est l’homme qui ne vivait que de foi politique, de principes arrêtés, qui ne voyait dans les faits que l’accomplissement ou la promulgation de ses doctrines, qui vient nous dire, plus longuement et plus explicitement que nous ne pourrions le répéter ici, que rien n’existe, que les convictions sont mortes, et que les principes politiques, les vues qu’on arbore, ne sont que des matières à con-