Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/530

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
526
REVUE DES DEUX MONDES.

rées, on donne deux labours à la terre, qui doit être de bonne qualité, forte et de couleur jaunâtre ; on dépose, dans les sillons tracés par le second labour, les graines de l’opium, mêlées avec une portion de cette même terre pulvérisée. Ce mélange suffit pour enterrer les graines, sans passer la herse. Au bout de quinze jours, la plante commence à pousser ; en s’élevant, elle forme une tige de la grosseur d’un chalumeau ; en deux mois, cette tige a atteint sa hauteur naturelle de quatre pieds environ. Elle est couverte, dans toute sa longueur, de feuilles larges et ovales ; son fruit, d’une couleur verdâtre, a l’aspect d’un petit citron. On voit des tiges qui en portent jusqu’à quatre, placés à distance ; quand il n’y a qu’un seul fruit, il est situé à la sommité de la tige. Alors, chaque matin, avant le lever du soleil, on fait de légères incisions sur les côtés du fruit ; la liqueur blanche qui en découle est reçue dans un vase ; bientôt cette liqueur prend une couleur noire, et acquiert de la consistance. On la pétrit en petits pains, que l’on enveloppe dans des feuilles arrachées à la tige. Ainsi préparé, on livre l’opium au commerce. Avec la graine, on fait de l’huile bonne à brûler ; les tiges servent de combustible. Année commune, la récolte de l’opium est de 15 à 20 mille okes.

Aux alentours du Caire, dans la plaine située sur la rive droite du Nil, près des jardins d’Ibrahim-Pacha, on a enlevé de nombreux monceaux de décombres, et agrandi les exploitations de nitre par l’évaporation. L’opération par laquelle on obtient ce produit, est extrêmement simple. Presque toutes les terres d’Égypte contiennent une quantité plus ou moins grande de nitre, et celles de la plaine dont nous parlons en sont tellement chargées, que lorsque le vent y soulève la poussière, on ressent dans les yeux un prurit qui va presque jusqu’à l’ophtalmie. Il suffit d’établir des excavations en plein air, de quelques pieds de profondeur, où l’on dépose cette terre détrempée d’eau ; la dessiccation s’opère promptement, surtout en été, et l’on recueille le nitre sur les parois et à la surface du fossé. Sur divers autres points de la Haute-Égypte, le pacha a fait établir des exploitations de ce genre, qui sont du reste peu coûteuses. Il obtient aujourd’hui annuellement 100 mille quintaux de nitre, qu’il réserve pour ses fabriques de poudre, et il peut encore en vendre 60 mille quintaux pour l’exportation.

Depuis 1820, la vallée nommée Ouâdi-Toumlat (l’ancienne terre de Gessen), qui s’étend de la Basse-Égypte au désert de Syrie, avait été couverte d’un million de pieds de mûriers ; dans la plaine de Chobra, on élevait aussi des vers à soie. Pourtant les quantités récoltées n’étaient même pas suffisantes pour alimenter les fabriques, et la Syrie devait parfaire le chiffre de la consommation. Mais le pacha, voulant affranchir l’Égypte de l’importation de la soie, ordonna de nouvelles plantations de mûriers ; 300 feddans de la grande plaine de Syout furent destinés à la culture de cet arbre ; dans chaque département, dans chaque district de la Basse-Égypte, on y consacra aussi d’assez grandes portions de terre. Les mûriers commencent à boutonner en janvier ; ils sont en plein rapport vers le 15 février. Afin d’empê-