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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

cher l’éclosion des graines jusqu’à cette époque, on les place dans les puits et les lieux frais. On ne lave les semences ni dans le vin, ni dans l’eau. Il s’écoule soixante jours environ entre l’éclosion des vers et le moment où ils commencent à filer. En vingt jours, le cocon est parfait. Une once de semence donne ordinairement 720 cocons. Il faut 250 à 260 cocons pour faire une livre de soie. On compte aujourd’hui, en Égypte, 4 millions de pieds de mûriers ; la plupart ont déjà atteint un assez grand développement, car en Égypte les végétaux croissent avec une étonnante rapidité. Cependant on remarque qu’ils ne viennent jamais très grands, et qu’ils ne donnent qu’une quantité médiocre de feuilles, plus petites qu’en Europe. Les fellahs montrent en général peu de soin et d’aptitude pour l’éducation des vers ; et malgré toutes les améliorations de détail que le pacha a fait apporter dans ses magnaneries par quelques Européens, cette branche d’industrie est encore très peu avancée en Égypte. Les procédés pour la filature ne sont pas moins arriérés. Aussi, importe-t-on toujours des tissus de soie d’Europe. Cet article figure, dans les importations de 1836, pour 2,322,000 francs. La récolte des soies égyptiennes s’élève, année commune, à 20,000 okes environ ; cette quantité est suffisante pour alimenter les fabriques égyptiennes. Le pacha paraît se contenter de cet état de choses. Il aurait pu profiter de la dernière crise qui a affligé l’industrie lyonnaise, pour attirer des ouvriers en soie ; plusieurs projets bien conçus lui ont été présentés à cet égard ; mais, comme nous le dirons tout à l’heure, Mohammed-Ali semble vouloir ajourner toute amélioration dans l’industrie plus spécialement mécanique, jusqu’à ce qu’il soit en position d’installer en Syrie tout son appareil manufacturier.

La Haute-Égypte produit beaucoup de cannes à sucre ; mais les moyens d’extraction employés jusqu’ici étaient tellement imparfaits, que l’on n’obtenait qu’une quantité très peu considérable de matière saccharine. Aussi, la culture de la canne, de jour en jour abandonnée, se trouvait réduite à un minimum insuffisant pour les besoins du pays. La qualité du sucre égyptien était tellement inférieure, qu’il ne pouvait servir qu’à la consommation locale. Depuis l’établissement de la prime en France, on importait même en Égypte des quantités de sucre raffiné assez considérables. Dans l’année 1836, cette importation s’est élevée à 564,000 fr. Le sucre raffiné de Marseille était à meilleur marché en Égypte qu’en France. Cet état de choses éveilla la sollicitude du pacha. Récemment il avait appelé en Égypte M. Allard, raffineur de Marseille, qui, par l’amélioration des procédés, a pu obtenir immédiatement 70 à 80 pour 100 de plus de l’extraction de la canne, et en qualité bien supérieure. Le pacha a été tellement satisfait des échantillons présentés par M. Allard, qu’il a donné l’ordre de confectionner au Caire une machine à vapeur pour le raffinage, d’après les plans de cet industriel, et qu’il a fait de nouvelles plantations de cannes dans la Haute-Égypte ; mais le raffineur marseillais n’ayant pas voulu attendre que la machine fût confectionnée, croyant d’ailleurs qu’elle ne pouvait l’être convenablement par des ouvriers