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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/532

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égyptiens, a préféré retourner en France. Il ne se dissimulait pourtant pas que, si un raffineur européen pouvait établir une raffinerie dans la Haute-Égypte, il ferait des bénéfices dix fois plus considérables qu’en Europe, même en doublant et triplant le salaire des ouvriers.

La plantation du coton opéra en Égypte une révolution industrielle et politique. Mais ce n’était point assez que la vallée du Nil fournît chaque année, concurremment avec l’Inde et l’Amérique, un aliment aux filatures occidentales ; comme le soleil de l’Inde et de l’Amérique, le soleil des Pyramides pouvait aussi mûrir ce végétal précieux, dont la tige macérée donne cette fécule qui bleuit comme la mer par un beau jour d’été. La culture de l’indigo devait suivre la culture du coton ; la couleur de l’un devait teindre les tissus de l’autre ; et puisque l’Égypte versait dans la consommation 400,000 quintaux de coton, elle devait y verser aussi l’indigo nécessaire pour les colorer. Propriétaire de l’Égypte, Mohammed-Ali songea à planter l’indigo dans ses terres ; il fit choix des plus grasses, des plus limoneuses, de celles qui, pouvant être arrosées toute l’année, sont plus en harmonie avec la nature de ce végétal, et bientôt, dans plusieurs provinces, des champs d’indigo mûrirent pour l’industrie. Les fellahs le préparaient grossièrement ; ils le détrempaient à l’eau chaude, et mêlaient avec la fécule un tiers de terre glaise ; ils faisaient sécher les pains en plein air, de telle sorte que le vent y introduisait du sable et d’autres substances hétérogènes. L’indigo égyptien avait dans le commerce une réputation d’impureté, et il était moins estimé que celui du Bengale. Mohammed-Ali fit venir de l’Inde des indigotiers qui enseignèrent aux Arabes les procédés suivis dans ce pays pour la manipulation de l’indigo. Ce fut M. Botzari, frère du médecin du pacha, qui les amena en Égypte. Aujourd’hui le gouvernement a établi des indigoteries à Chôbra, dans les provinces de Charkyeh, de Kélyoub, à Menouf, à Achmoun, à Mekaleh-el-Kébir, à Birket-el-Kessab. Il en existe aussi à Fayoum et à Bénissouef. Les produits de la récolte s’élèvent de 25 à 30 mille okes. Mais les fellahs n’ont pu désapprendre tout de suite leurs procédés routiniers, et les indigos d’Égypte, contenant toujours beaucoup de substances hétérogènes, n’ont pu encore conquérir une meilleure réputation commerciale. En 1833, le pacha en avait dans ses schounas 200 mille okes, que personne ne voulait acheter. M. Rocher, chimiste français, en a purifié une partie. Après cette opération, le gouvernement a fait des lots composés des diverses qualités, et, de cette manière, il a pu trouver des acheteurs aux enchères d’Alexandrie. L’exportation de cette denrée, qui, en 1835, n’avait été que de 928,000 fr., s’est élevée, en 1836, à 1,591,000 fr. Évidemment, le meilleur système que peut adopter le pacha pour l’amélioration de ses indigoteries, c’est de mettre à leur tête des chimistes européens. Il serait également indispensable de faire construire des séchoirs, pour que les pains d’indigo fussent à l’abri de la poussière et des autres corps légers que le vent y introduit quand on les fait sécher en plein air.