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les conséquences qui s’en sont suivies depuis six mois étant données, qu’en devons-nous faire ? comment devons-nous nous y conduire ?

Le lendemain de la conquête, plusieurs partis se présentaient : on pouvait garder la ville, et se résoudre à essayer d’administrer directement la province. On pouvait trouver cette résolution trop hardie, et préférer l’évacuation ; et, dans cette dernière hypothèse, il y avait à choisir, ou de la remettre à Achmet qu’on venait d’en chasser, en lui imposant les conditions qu’il avait refusées avant sa défaite ; ou de revenir à la pensée du maréchal Clausel, et de la céder au bey de Tunis ; ou de l’ajouter, avec la plus grande partie de la province, aux états d’Abd-el-Kader ; ou, enfin, d’y créer un bey indigène, auquel on aurait laissé pendant quelque temps l’appui d’une garnison française. À cette époque, on tremblait encore à la pensée d’une position si avancée dans l’intérieur des terres ; les sévérités financières de la chambre effrayaient. On dut donc passer en revue toutes ces idées, dont plusieurs doivent être aujourd’hui définitivement jugées.

Il y avait trop long-temps, à l’époque de la prise de Constantine, que le traité de la Tafna était signé, et ses conséquences étaient trop évidentes pour qu’on ait pu s’arrêter, même alors, à l’idée de remettre Constantine à Abd-el-Kader ; c’eût été aller au-devant de ses désirs les plus chers, désirs que ses intrigues obstinées dans la province n’ont cessé depuis de révéler ; c’eût été élever à la hauteur d’une rivalité dangereuse l’obstacle que le traité de la Tafna avait créé à notre domination en Afrique. Il suffisait qu’une telle idée se présentât pour être écartée ; elle ne supporte pas l’examen.

Il avait été pardonnable au maréchal Clausel, en 1830, de songer à une cession de Constantine à un prince de la maison de Tunis. La situation intérieure de la France, la probabilité d’une guerre continentale, tout alors faisait douter qu’il fût possible, de longtemps, d’agir puissamment en Afrique, et tous les partis, dès-lors, pouvaient sembler bons, pourvu qu’ils aboutissent à y faire reconnaître nominalement notre souveraineté. Dès cette époque cependant, le gouvernement français refusa de ratifier le traité. Pour quelles raisons ? nous ne le savons pas bien ; mais, politiquement, la résolution fut sage. Céder à la maison de Tunis l’intérieur de la province de Constantine, c’est comme si on cédait à l’empereur de Maroc l’intérieur de la province d’Oran. Il est contraire à nos intérêts les plus évidens d’introduire ainsi, chez nous, nos ennemis naturels, c’est-à-dire nos voisins, et d’autant plus que, derrière la maison de Tunis, se trouve le sultan de Constantinople, avec ses prétentions. En effet, les