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POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE.

comme celui de la citadelle d’Anvers ? Non, quand bien même il n’y aurait contre chacun des projets que nous venons de parcourir que les immenses inconvéniens qu’ils présentent, nous ne devrions pas, nous ne pourrions pas raisonnablement évacuer Constantine ; nous devrions nous résigner à la garder.

Mais nous avons, pour le faire, une raison bien plus forte que toutes ces impossibilités que présente son évacuation. Nous avons une raison directe et décisive, la convenance, l’importance d’y essayer le système de domination et d’administration directe de l’Afrique. Je ne veux point ici condamner brutalement l’occupation restreinte, quoique, en tant que système définitif et à toujours, j’y sois entièrement et complètement opposé ; mais je demande qu’on veuille bien, en revanche, ne pas condamner avant l’expérience le système contraire. Ce que je veux, ce qui me paraît du bon sens le plus simple, c’est que, pouvant essayer ce système, on le fasse. Or, nous le pouvons admirablement à Constantine. Nous avons pris cette ville, nous y sommes ; il n’y a aucun moyen praticable de l’abandonner ; l’opinion publique et la politique s’y opposent également. La ville est imprenable ; nous pouvons la tenir constamment approvisionnée pour un an ; notre garnison n’y court aucun danger. Nous avons commencé l’essai dont il s’agit, et, malgré les menées actives d’Abd-el-Kader, il a réussi, et continue de le faire au-delà de toute espérance. Est-ce dans de telles circonstances, je le demande, qu’il serait sensé de ne pas poursuivre une expérience si utile, si indispensable, de laquelle dépend la solution des doutes qui nous agitent depuis huit ans ? J’ose le dire, il n’y aurait pas de nom pour qualifier une pareille détermination. La conduite à tenir dans la province de Constantine est à la fois ce qu’il y a de plus nécessaire et de plus simple. Elle consiste à y continuer l’œuvre commencée, l’œuvre si sagement conçue par le maréchal Valée, si habilement exécutée et suivie par les deux généraux qui commandent à Constantine et à Bone ; l’œuvre dont tout ce qu’on sait du passé de l’Algérie et du génie des populations qui l’habitent démontre, comme j’ai essayé de le faire voir, la possibilité ; l’œuvre, enfin, qui, entreprise au mois d’octobre dernier, a fait en six mois des progrès si remarquables et si inattendus. Nous n’avons à Constantine que deux obstacles étrangers à ceux qui peuvent naître du génie même des populations, Achmet et les intrigues d’Abd-el-Kader. Ces deux obstacles ne suffisent pas pour troubler l’expérience. Achmet ne peut rien de considérable ; la haine de l’émir et les chefs du désert se chargent d’ailleurs de l’occuper. Quant à l’émir lui-même,