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ritable vocation, il se remit à l’étude de la peinture avec une nouvelle ardeur. Quelle a été, sur Léopold Robert, l’influence des leçons de David ? Il serait certainement difficile de la déterminer avec précision. Cependant il est permis de croire que l’enseignement de David, impérieux, systématique, étroit sans doute en plusieurs parties, ne décourageait que la médiocrité. Il ne fécondait pas toutes les intelligences qui lui étaient confiées ; mais en imposant à tous une docilité uniforme, il établissait des habitudes laborieuses dont personne ne saurait contester l’utilité. Certes, entre la manière de Léopold Robert et celle de Louis David, il y a un intervalle immense ; il serait puéril de comparer les Moissonneurs au Combat des Thermopyles ; mais sans les leçons de David, Robert n’eût peut-être pas été aussi sévère pour lui-même. Au lieu de chercher la perfection dans chacun de ses ouvrages, peut-être se fût-il contenté de la beauté superficielle qui séduit les yeux de la multitude ; peut-être eût-il renoncé à la gloire pour une vogue éphémère. Quelle que soit la valeur de nos conjectures à cet égard, les leçons de David ont joué un rôle important dans la vie de Léopold Robert ; car, sans les conseils de David, l’élève de Girardet fût probablement demeuré graveur. En 1816, David fut condamné à l’exil, et Robert se hâta d’aller retrouver sa famille. Grace à ses études persévérantes, il espérait arriver bientôt à une complète indépendance, et vivre de son talent. Il fit à Neufchâtel un assez grand nombre de portraits, remarquables surtout par la finesse de l’expression ; mais, malgré le succès de ces ouvrages, il eût sans doute attendu long-temps l’occasion de montrer tout ce qu’il pouvait faire, si quelques-uns de ces portraits n’eussent appelé l’attention d’un amateur distingué de Neufchâtel, M. Roullet-Mezerac. M. Roullet fut frappé du talent de Robert, et conçut la généreuse pensée de l’envoyer en Italie, en faisant pour ses études toutes les avances nécessaires. Il démontra sans peine au jeune élève de David, qu’il fallait, pour devenir peintre, quitter Neufchâtel et se familiariser avec les ouvrages des grands maîtres ; Robert accueillit avec ardeur l’espérance de voir l’Italie, et d’étudier les chefs-d’œuvre de Florence et de Rome ; et M. Roullet, pour mettre à l’aise la conscience de son protégé, lui offrit, non pas de lui donner, mais de lui prêter l’argent nécessaire à ses études. Voici quelles furent les conditions du traité. Robert devait pendant trois ans étudier la peinture en Italie, sans chercher à tirer de son travail aucun profit immédiat ; au bout de trois ans, il devait ne plus compter que sur son talent ; mais M. Roullet n’exigeait le rembour-