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LA PAPAUTÉ
DEPUIS LUTHER.[1]

Une des plus grandes nouveautés de l’histoire moderne, comparée à l’histoire des sociétés antiques, est sans contredit la papauté. Rien n’a de véritable ressemblance avec elle, soit dans les théocraties orientales, soit dans le polythéisme des Grecs et des Romains. Si les prêtres en Égypte étaient rois, ils devaient leur puissance non-seulement à la supériorité morale que leur communiquaient la science et la religion, mais aussi à leurs richesses, à leurs propriétés ; ils possédaient une partie des terres de l’Égypte, comme nous l’apprend Hérodote. Cette opulence ramène la pensée sur les principautés ecclésiastiques des évêques d’Allemagne du xe et du xie siècle. À Athènes et dans Rome républicaine, les prêtres n’étaient pas rois, mais citoyens ; ils ne séparaient pas la religion de l’état, et eux-mêmes ne se distinguaient pas de la cité.

Mais le christianisme a produit une espèce de théocratie inconnue avant lui, et plus spiritualiste que toutes les dominations sacerdotales qui l’avaient précédé. La cause de cette originalité est bien profonde, car elle est toute entière dans une révolution intérieure que subirent les convictions chrétiennes.

Lorsqu’au ive siècle Constantin donna pour néophytes au christianisme l’empereur et l’empire, les chrétiens changèrent d’humeur non moins que de fortune ; ils devinrent ambitieux et persécuteurs. Ils ne se tinrent pas pour satisfaits de n’être plus contraints de sacri-

  1. Histoire de la papauté pendant les seizième et dix-septième siècle, par M. Léopold Ranke ; 4 vol. in-8o, chez Debecourt, 69, rue des Saints-Pères.