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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/849

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LA LITTÉRATURE EN SUÈDE.

Quand la guerre n’éclatait pas dans le pays entre les hommes d’une même race, entre les districts d’un même état, elle s’en allait chercher fortune ailleurs. Le Danemark était l’objet fréquent de ces agressions violentes, de ces luttes à main armée qui pendant des siècles ont occupé toute la Suède. Les deux nations posées de chaque côté du Sund se regardaient d’un œil jaloux. Elles se disputaient la possession de la mer comme deux plaideurs de Normandie se disputent la possession d’un champ. Leurs navires avaient peine à se rencontrer entre les deux rivages sans essayer leur force, et souvent la bataille engagée sur les vagues se prolongeait sur la terre ferme.

Au XIVe siècle, le traité d’union de Calmar, qui semblait devoir apaiser ces différends, ne fit au contraire que les accroître et les compliquer. Le Danemark n’eut jamais en Suède qu’un pouvoir fort contesté. Il régnait sur quelques hommes dont il avait favorisé l’ambition, mais la masse du peuple était contre lui. Dans les diètes, les hommes dévoués à la domination étrangère gagnaient les suffrages par leur habileté. Dans les circonstances orageuses, dans les occasions décisives, le parti national l’emportait. Ce fut ce parti qui appuya l’insurrection d’Engebrecht, qui investit du pouvoir suprême un simple paysan. Ce fut ce parti qui nomma roi Charles Knutzon et reprit deux fois les armes pour lui et deux fois le rappela sur le trône. Ce fut ce parti qui s’attacha à l’administration des Sture, qui les adopta pour maîtres et soutint jusqu’au bout la lutte héroïque engagée par un de leurs descendans.

Un siècle et demi s’était passé dans les insurrections continuelles, dans les guerres civiles enfantées par le traité d’union des deux royaumes. À la fin, Chrétien II, essayant de reconquérir le pouvoir absolu en Suède, rompit le lien factice qui rattachait ce pays au Danemark. Il effaça dans le sang des habitans de Stockholm le contrat signé à Calmar et fraya par ses cruautés la route à Gustave Wasa.

Ce qui ajoutait encore à toutes ces péripéties du gouvernement suédois, c’était son organisation même. La monarchie suédoise était une monarchie élective dominée par une oligarchie puissante. Le droit d’hérédité fut accordé à quelques familles, mais il leur fut accordé comme une faveur particulière, non comme un droit. L’aristocratie, en faisant cette concession, n’entendait renoncer à aucun de ses priviléges.

L’ancienne constitution suédoise avait été basée sur un principe démocratique. Les grandes affaires devaient se traiter dans l’assemblée des états, et l’ordre des bourgeois, l’ordre des paysans, étaient représentés à ces états. Il fut un temps même où leur voix exerçait une influence marquée. Mais peu à peu la fortune et l’influence des deux ordres supérieurs grandirent. Les hautes fonctions dont ils étaient investis, les priviléges qu’ils obtinrent renversèrent l’équilibre qui devait exister entre eux et le peuple. Les bourgeois et les paysans ne remplirent plus, dans les diètes, qu’un rôle timide et passif. L’aristocratie se trouva seule aux prises avec la royauté.

Il y avait ainsi dans l’état deux pouvoirs rivaux l’un de l’autre, qui vivaient dans une sorte d’accord hostile, cherchant tous deux à s’agrandir, à se créer