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LA LITTÉRATURE EN SUÈDE.

LES DANSEURS.

Je l’ai appris aujourd’hui, je l’ai appris hier : ton père est mort ; il est dans le cercueil, belle Vendela.

LA JEUNE FILLE.

Grand bien lui fasse ! grand bien lui fasse ! Mon fiancé vit encore. »

Les danseurs lui apprennent ensuite la mort de sa mère, de ses frères, de ses sœurs. La jeune fille, qui n’a qu’une seule pensée dans l’ame, se console de tout en disant : « Mon fiancé vit encore. » Les danseurs continuent leur chant et s’écrient :

« Je l’ai appris aujourd’hui, je l’ai appris hier : ton fiancé est mort ; il est dans le tombeau, belle Vendela.

À ces mots la jeune fille tombe sur sa chaise, évanouie.

Les danseurs lui disent :

« Lève-toi, lève-toi, belle Vendela ; ton père vit encore. »

La jeune fille, plongée dans la douleur, répond : « Grand bien lui fasse ! grand bien lui fasse ! Mais mon fiancé est mort. »

Les danseurs font ensuite revivre sa mère, ses frères, ses sœurs, et elle parle toujours de son fiancé.

Enfin les danseurs s’écrient : « Lève-toi, lève-toi, belle Vendela, ton fiancé vit encore. »

La jeune fille se lève toute joyeuse, et chasse ceux qui l’ont affligée[1].

Ces chants populaires de la Suède ont été, comme ceux du Danemark, composés à différentes époques. Les uns remontent, par la tradition, jusqu’aux plus anciens souvenirs scandinaves ; d’autres datent du temps de la réformation, du règne de Gustave Wasa. Ils sont écrits dans un style simple, uniforme, et coupés ordinairement par strophes de quatre vers. Deux de ces vers forment un refrain qui n’a souvent aucun sens, et semble n’avoir été placé là que pour aider l’improvisation de celui qui les compose ou la mémoire de celui qui les récite. On ignore du reste complètement par qui ils ont été écrits et en quelle année.

Tous ces chants ont été long-temps oubliés, méconnus : le XVIIe siècle, préoccupé de ses études classiques, ne songeait pas à les lire ; le XVIIIe, tout dévoué à la versification académique, ne comprenait pas ce qu’il y avait de force et de saveur dans cette poésie du peuple. Le XIXe, plus intelligent, l’a réhabilitée. En 1814, MM. Geiier et Afzeliers, tous deux poètes, publièrent, sous le titre de Folkvisor, un recueil de ces chants, qui obtint dans toute la Suède un grand succès[2]. M. Arwidsson vient d’en publier un tout nouveau et plus étendu[3].


X. Marmier.
  1. Nordens œldsta Skaderpel af J. Er. Rydqiuist.
  2. Svenska Folkvisor, 3 vol. in-8o avec musique. L’ouvrage est aujourd’hui complètement épuisé.
  3. Svenska Fornsanger, 3 vol. in-8o. Les deux premiers seulement ont paru.