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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 14.djvu/861

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REVUE. — CHRONIQUE.

civil que s’offre, parmi les fonctionnaires, cette répugnance pour le maintien de notre domination en Afrique, ce qui prouverait, comme l’a dit le général Bugeaud, que le système d’occupation militaire est encore le seul qui convienne à cette conquête, et que le temps de l’administration civile n’est pas venu. C’est là toute la conséquence que nous tirons du discours de M. Bresson et des écrits de M. Desjobert. Le général Bugeaud dit bien, il est vrai, qu’il n’aime pas l’Afrique ; mais il n’a pas même la pensée de l’abandonner ; et à défaut de goût, il s’est fait un devoir de donner au gouvernement tous les moyens de s’y maintenir. M. Bresson, au contraire, se livre entièrement à ses goûts en pareil cas, et son vote, favorable aux crédits, il est vrai, était conçu en termes qui nous eussent fait voter dans un sens tout contraire, si nous avions prononcé un tel discours.

M. Th. Jouffroy, qui n’a pas eu, comme M. Bresson, la faculté d’étudier long-temps et de près la terre d’Afrique, a jugé avec un sens parfait de la nature de domination qu’on pourrait y exercer. M. Bresson dit que les Turcs sont tombés un jour de leur puissance en Afrique, parce qu’ils avaient une armée et pas de peuple. Il nous semble qu’ils se sont maintenus si long-temps dans ce pays, justement parce qu’ils avaient laissé à ce peuple arabe son organisation et ses mœurs. M. Bresson a ajouté que nous ne pourrions pas fonder notre domination en Afrique, parce qu’il y a entre nous et les Arabes une haine inextinguible ; et un journal, citant cette phrase, a ajouté, entre deux parenthèses, que le ministère paraissait consterné de cette déclaration. Voilà en effet de quoi éprouver une grande consternation, et c’est là une déclaration bien nouvelle ! Pense-t-on que, malgré la communauté de mœurs et de religion, les Arabes vissent d’un œil plus favorable les Turcs, qui les accablaient d’avanies et d’exactions ? Soyons justes envers les Arabes, respectons leurs croyances, et nous aurons non pas leur amour, car on n’a jamais d’amour pour ses conquérans, mais leur soumission, et c’est tout ce que nous pouvons exiger d’eux. Dire, comme l’a fait M. Molé, en répondant à M. Bresson, qu’il n’y a pas de haine inextinguible, c’est parler comme doit le faire le chef d’un ministère qui s’efforce de répandre la civilisation en Afrique, et d’arriver, par la paix, à se rapprocher des Arabes. Il était juste aussi de répondre à ce mot, au moins imprudent dans la bouche d’un agent du gouvernement ; mais en lui-même ce mot a peu d’importance, et l’opposition, qui semble tant tenir à nous voir haïs, a eu grand tort de s’en féliciter. M. l’intendant d’Afrique voulait aussi qu’on gouvernât l’Algérie en opposant Achmet-Bey à Abd-el-Kader. La France doit gouverner de plus haut ; d’ailleurs, s’il était vrai que la France fût aussi profondément et aussi généralement haïe en Afrique que le dit M. Bresson, nous créerions, dans ce cas, deux agens de haine et de révolte au lieu d’un, et ce serait assurément une très fatale mesure.

M. Desjobert va plus loin, mais il est plus conséquent. Il n’y a, selon lui, à recueillir en Afrique que des coups de fusil. À son avis, c’est la seule chose qu’on y reçoive, sans l’avoir apportée. Comme M. Jaubert a des états exagérés des millions dépensés en Afrique, M. Desjobert a une nomenclature