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la vie humaine, un austère et vénérable contraste ; dire encore que ces dogmes offrent à l’esprit des solutions sérieuses qui ont gardé long-temps l’adhésion du genre humain, c’est avancer des propositions incontestables, mais insuffisantes pour répondre aux questions de notre siècle. L’intérêt n’est pas tant dans un éloge mérité du passé que dans un souci légitime du présent et de l’avenir. Le catholicisme doit bien se consulter lui-même ; il doit faire un examen sévère de ses principes et de ses doctrines, se demander, avec une netteté scrupuleuse, sur quels points il pourrait un jour se montrer accommodant et flexible, sur quels autres il devra prononcer un ultimatum immuable. Il y aurait folie de sa part à croire échapper, dans l’avenir, à une révision générale de ce qu’il enseigne au genre humain, et il sera d’une haute prudence de se tenir prêt pour le moment des épreuves, pour l’heure, non pas de la persécution, mais de l’examen. Suprême effort de l’humanité, les religions n’en sont pas moins soumises aux conditions humaines, et, tout en révélant le ciel, elles dépendent de la terre.

Le pouvoir monarchique de ses papes pourra être aussi, pour le catholicisme, un grave embarras. L’infaillibilité du pape lui est nécessaire pour qu’il soit vraiment pape ; mais le monde chrétien est, depuis long-temps, fort indocile à cette nécessité. Si contre elle, depuis le xive siècle, se développe une rébellion continue, que sera-ce aujourd’hui ? que sera-ce plus tard ? Quelques hommes, il est vrai, convaincus, non sans raison, que la désobéissance au pape est la destruction du fondement même du catholicisme, se pressent autour du saint-siége avec une obséquiosité presque violente et passionnée ; mais cette humilité fastueuse trahit les périls de la situation, et ne les conjure pas. L’église catholique, qui se proclame une monarchie par excellence, devra donc ou changer son principe, ou triompher de l’esprit démocratique.

Mais la démocratie n’est-elle pas dans le sein même de l’église et n’a-t-elle pas, dans les conciles, son expression politique et légale ? À l’idée d’une assemblée générale de l’église, dans notre siècle, les catholiques les plus résolus semblent trembler. M. de Maistre déclare qu’un concile œcuménique est devenu une chimère : il ne croit nullement probable qu’il puisse paraître nécessaire ; il reconnaît des inconvéniens immenses dans ces grandes assemblées ; enfin il prononce que le monde est devenu trop grand pour les conciles généraux, qui ne semblent faits que pour la jeunesse du christianisme. Quel effroi ! quelle peur de toute discussion ! Mais n’y aura-t-il jamais de circon-