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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/10

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REVUE DES DEUX MONDES.

Cependant je ne pus revoir sans émotion la ville où j’avais fait tant de mauvais repas et remis tant de boutons à mon unique habit. Les souvenirs de pauvreté que laissent les premières années ont une grace touchante qui attendrit sans attrister. Qu’importe en effet ce que l’on a souffert alors que l’on savait chanter, dormir et attendre ? La jeunesse !… c’est le rayon de soleil qui fait rire la prison, c’est la fleur qui égaie la fenêtre sans rideaux du pauvre, c’est la lumière et le parfum, l’espérance et la joie !

La première chose qui me frappa en arrivant à Rennes, fut le changement qui s’était opéré dans l’aspect de la ville. Je me rappelais encore le silence des rues à peine troublé par les jeux des écoliers, la solitude des places que traversait de loin en loin un conseiller en robe, le calme des promenades où l’on voyait se perdre, derrière les charmilles, quelques étudians pensifs. Rennes, en un mot, m’avait laissé le souvenir d’une immense université où tout rêvait et travaillait en silence ; maintenant les rues, les places, les promenades, étaient couvertes de groupes bruyans ; des soldats stationnaient à chaque carrefour ; on coudoyait les canons, on heurtait les cavaliers ; ce n’était partout que cris, tumulte, cliquetis d’armes ; l’université était devenue un camp.

En approchant du palais, dont les murs étaient tapissés naguère d’affiches de ventes ou d’avertissemens de cours, je lus les annonces suivantes :

AVIS.

« On désirerait trouver huit jeunes gens n’ayant point peur de mourir, pour monter, comme volontaires, sur un corsaire en armement de Saint-Malo. — S’adresser au citoyen Godefroy, rue aux Foulons. »

AUX CITOYENNES PATRIOTES.

« Celles qui voudront employer quelques instans de loisir à tricotter des bas pour nos frères des frontières, peuvent s’adresser aux citoyens Rascon, rue d’Estrées ; Bouvard, hôtel-de-ville ; Gatbois, place d’Estrées, qui leur fourniront la matière nécessaire. »

ARRÊTÉ DE LA MUNICIPALITÉ.

« Les mauvais citoyens sont divisés en trois classes :

1o Les conspirateurs et chefs de parti. — Leurs têtes tomberont sur-le-champ !