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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/11

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LA TERREUR EN BRETAGNE.

2o Les fomentateurs de troubles par leurs discours ou complaisances. — La prison !

3o Les gens modérés, les suspects, tous tartufes. — L’enceinte de la ville pour prison. »


J’avais eu soin, en quittant Brest, de me faire recommander d’avance au citoyen Benoist. Je me rendis chez lui dès mon arrivée ; mais il était absent, et ce fut sa femme qui me reçut.

La citoyenne Benoist portait environ trente ans. Un embonpoint excessif n’avait pu détruire sa beauté, mais l’avait, pour ainsi dire, effacée ; aussi fallait-il un instant d’examen pour démêler, sous ces chairs luxuriantes et ces contours confus, l’expression d’une inflexible énergie. Quant à son ame, c’était, comme ses traits, quelque chose dont tout le mérite n’apparaissait point sur-le-champ. La citoyenne Benoist avait trouvé le moyen d’être sublime sans qu’on y prît garde, comme d’être belle sans fixer l’attention ; à force d’être simple, sa générosité semblait vulgaire. Sa force s’était d’ailleurs enveloppée de tant de bonté et de tendresse, qu’on l’entrevoyait à peine ; on ne la devinait que par l’importance du résultat, jamais par la rudesse du contact.

Je l’avais connue avant son mariage, mais comme on connaît une jeune fille, pour avoir vu ses épaules au bal et l’avoir entendue parler du beau temps. Elle me reçut cependant en vieil ami, et j’en fus moins surpris que je ne l’aurais dû peut-être ; je savais par expérience qu’il vient un âge où il suffit d’avoir entrevu quelqu’un dans sa jeunesse pour lui tendre la main ; c’est comme un compatriote que l’on retrouve en pays étranger ; son aspect seul rappelle quelque chose d’éloigné et de chéri.

Nous nous entretenions depuis environ une heure lorsqu’on vint avertir la citoyenne Benoist qu’on la demandait ; elle me pria de l’excuser et sortit.

Je me mis alors à examiner l’appartement dans lequel je me trouvais ; c’était plutôt l’intérieur d’une tente qu’un foyer domestique. On voyait un équipement complet de soldat, accroché au pied d’un lit élégant encore défait ; le déjeuner, composé de pain de munition et de quelques fruits, était servi sur un guéridon d’acajou massif, et des papiers, des livres, des journaux épars couvraient une grande table de sapin. Il y avait, dans la disparate même de tous ces objets, quelque chose de singulièrement expressif. Cette réunion, en effet, ne