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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/109

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VICO ET SON ÉPOQUE.

tion de cette pensée dans les luttes qu’ils eurent à soutenir tantôt contre les ambitions italiennes, tantôt contre l’influence étrangère. Mais tout à coup l’étranger se trouva élevé à un degré de puissance imprévu, l’Europe se vit pleine des forces toutes récentes de la navigation, de la réforme, et de l’unité monarchique ; elle s’efforça de briser les liens du moyen-âge, et le beau moyen-âge de l’Italie succomba dans la lutte : il n’y a pas eu un coup frappé par l’Europe moderne sur le passé qui ne soit retombé sur l’Italie. La réforme enlevait aux papes leur suprématie sur le monde chrétien, l’esprit conquérant des monarchies livrait Naples et Milan à l’Espagne ; la nouvelle politique de l’équilibre soumettait les petits états de l’Italie aux cabinets de l’Europe ; la conquête des deux Indes faisait abandonner les vieilles routes du commerce italien. Après le XVIe siècle, le travail de la nationalité italienne fut arrêté, brisé, et les peuples de la péninsule n’eurent plus la force ni de se détacher du siècle de Léon X, ni de suivre le nouveau mouvement européen. Rien de plus triste que cette nationalité inutile, déplacée, sans but, qui conserve ses vieilles institutions, sans pouvoir retrouver la force qui les avait produites. La cour de Rome prolonge son existence jusqu’au XVIIe siècle, mais elle n’a plus ni ses passions guelfes, ni ses arts classiques ; ce n’est plus en Italie que la religion trouve son véritable appui ; les papes continuent la vie joyeuse de Léon X, les Borgia renaissent dans les Barberini, mais les temps sont changés, et la simonie et le népotisme sont devenus d’affreux scandales à l’époque des guerres religieuses. Les papes se souviennent parfois de leurs anciennes prérogatives, ils refusent de reconnaître Christine de Suède, parce qu’elle est protestante, ils veulent que Venise ne reçoive pas l’ambassadeur hérétique de la Hollande ; mais il est trop tard, la diplomatie s’est sécularisée dans le traité de Westphalie, et le commerce ne tient plus compte des anathèmes religieux.

La politique de la seigneurie existe encore au XVIIe siècle dans les cours d’Italie. Sarpi dit au sénat de Venise qu’il faut diviser le peuple par des querelles pour le dominer ; il conseille d’empoisonner les hommes populaires, d’agrandir l’influence des inquisiteurs ; c’était à merveille pour Venise, mais cette vieille politique du poignard ne peut plus survivre à la seigneurie ; Davila, Bentivoglio, voilà dans l’Europe nouvelle deux vieux Italiens dépaysés ; ils décrivent les massacres de la Hollande et de la Saint-Barthélemy avec la froide cruauté des chroniqueurs du moyen-âge ; ils pensent que l’on peut détruire un parti, un schisme, comme on tuait au XVIe siècle le signor Oliverotto