effet, M. Rœderer et M. Fonfrède qui étaient les autorités du parti doctrinaire. La charte de 1830 n’était alors qu’un contrat insuffisant, où le pouvoir ne trouvait qu’une trop petite part. Depuis, le pouvoir ayant échappé à ceux qui le maniaient avec tant de délices, c’est en faveur de la chambre élective qu’ils voudraient faire leur coup d’état, moins inconséquens, en cela, qu’on ne pense, car ils ne font qu’obéir à la nature des idées absolues qui les dominent, et qu’ils portent dans tous leurs actes, soit qu’ils figurent au pouvoir ou dans l’opposition.
Ainsi c’est de la meilleure foi du monde que les doctrinaires, qui blâment aujourd’hui le procès de la cour des pairs, s’élevaient avec violence contre l’amnistie, qu’ils regardaient comme une faiblesse. La force, pour eux, c’est la rigueur ; ils la confondent avec la tracasserie, comme ils confondent aujourd’hui les idées parlementaires avec les vues d’ambition personnelle. Ils avaient établi la doctrine de la quasi-légitimité, ils avaient demandé les lois de septembre ; ils s’en prennent aujourd’hui aux prétendues usurpations du pouvoir royal, et ne connaissent plus que le jury. Ils avaient proclamé à Lisieux et ailleurs la maxime que le roi règne et gouverne ; maintenant ils travaillent à porter M. Odilon Barrot à la présidence de la chambre. Ils voulaient prolonger le ministère du 6 septembre en restant au pouvoir malgré la chambre, et en s’appuyant sur le seul assentiment du roi ; ils veulent à présent rentrer au ministère en ameutant la chambre élective contre la couronne. Non pas au moins que les doctrinaires veuillent autre chose que ce qu’ils ont voulu, non pas que leurs instincts soient plus populaires et plus nationaux qu’autrefois ; mais le pouvoir leur est nécessaire, il le leur faut à tout prix, et ils le veulent si ardemment qu’ils croient eux-mêmes aux opinions qui pourraient le leur rendre. C’est de bonne foi qu’ils sont parlementaires, aujourd’hui qu’ils espèrent renverser le ministère en accréditant que c’est un ministère en dehors des conditions du gouvernement constitutionnel. C’est de bonne foi qu’ils professeront des idées opposées, lorsqu’ils seront au pouvoir. Quand M. Guizot, quand M. Duvergier de Hauranne écrivent que le pouvoir s’amoindrit, que tout s’en va, qu’il y a un mal réel, un mal profond sous la tranquillité, sous la prospérité dont nous jouissons, ces honorables écrivains agissent dans toute la plénitude de leur conviction ; leur bonne foi ne peut être mise en doute. Le mal profond, c’est que les amis de M. Duvergier de Hauranne ne sont pas au pouvoir ; le mal réel, c’est qu’ils sont réduits à écrire des pamphlets politiques, et ce mal, nous ne le nions pas. Il y a une espèce de conscience dans cette admiration de soi-même, et on ne peut s’empêcher d’en faire quelque cas en ce siècle de doute. Il se peut que le parti doctrinaire n’ait pas grande foi en ses principes, et il le prouve en changeant totalement, comme il l’a fait dans cette session ; mais il est certain qu’il a confiance en lui-même, et que, quels que soient les principes qu’on veuille appliquer au pays, régime d’exception ou régime parlementaire, 11 octobre, 6 septembre ou 15 avril, pourvu que ces principes soient appliqués