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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/138

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nant, et ils pourraient rentrer en possession de leurs véritables principes. Les efforts n’ont pas manqué ; ils ont même réussi quelquefois. À la voix des doctrinaires, les membres qui siègent aux bancs les plus élevés et les plus reculés de la gauche et de la droite, sont accourus voter avec eux. On a fait subir au ministère quelques échecs dont on a fait grand bruit ; mais la majorité a voté pour le ministère dans un grand nombre de circonstances d’une haute importance, et chaque fois qu’il a jugé à propos de faire une question de cabinet, elle ne lui a pas refusé ses votes. Notre avis est que ce ministère qui a posé autant de questions de cabinet que l’avait fait le ministère du 11 octobre, n’en a pas encore posé assez, et nous pensons que plus son influence était contestée, plus il devait s’assurer qu’elle était réelle par de fréquentes épreuves. Toutefois, telle qu’elle a été, la session a prouvé que le ministère est accepté par la chambre. On a énuméré les échecs du ministère du 11 octobre. Ils ont été nombreux. Seulement, le langage des ministres, à cette époque, était plus vif et plus hautain. C’était un langage qui convenait à un temps de troubles civils, et si le parti doctrinaire était au pouvoir aujourd’hui, à moins qu’il ne ramenât les troubles passés, ce qui ne serait pas impossible, il se verrait forcé de tenir le langage mesuré et conciliant du ministère actuel.

Disons le fait. On ne précise rien. On ne veut voir dans le ministère que des hommes isolés, et ce ministère a donné l’exemple de l’union et de l’harmonie dans les circonstances les plus difficiles. On l’accuse de laisser tout s’en aller, et jusqu’au commencement de cette session il a montré une action et une activité rares, même dans les temps les plus vantés. Ce ministère si faible a fait plus. Il a dissous la chambre et a procédé aux élections. « On sait, dit M. Duvergier de Hauranne, comment se sont faites les dernières élections. Elles se sont faites en dehors de tous les partis. Or, qu’est-ce que faire les élections en dehors de tous les partis ? C’est se présenter au pays sans système, sans pensée, sans drapeau. » — Ici nous joignons nos reproches à ceux de M. Duvergier de Hauranne. Le ministère a voulu, en effet, faire les élections en dehors de tous les partis, comme l’a dit le président du conseil, mais seulement en dehors de tous les partis qui prennent pour base l’ordre de choses actuel ; en d’autres termes, et de l’aveu même de M. Duvergier, il a laissé la plus grande liberté possible dans les élections. Ce n’est pas de cela que nous blâmons le ministère, mais bien d’avoir accordé en quelques localités son appui au parti doctrinaire, qui reconnaît ici singulièrement cette générosité, en s’écriant : « On sait comment se sont faites les dernières élections ! » Sans cette tolérance du ministère, il y aurait bon nombre de doctrinaires de moins dans la chambre, car les souvenirs encore récens de leur dernier ministère leur avaient donné peu de crédit dans les colléges électoraux. M. Duvergier de Hauranne répondra peut-être que le parti ne doit rien au ministère, qui appuyait les candidats doctrinaires, parce qu’il comptait sur eux. Le ministère en avait le droit. Il ne s’attendait pas, en effet, à ce qu’un parti qui se donnait pour le parti de l’ordre, s’appliquerait à entraver tous