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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/144

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REVUE DES DEUX MONDES.

chaque jour à constituer, par des attributions nouvelles, des corps électifs délibérans dans les localités, en supprimant l’ancien pouvoir territorial des vieux magistrats féodaux, de ces gentilshommes juges de paix, qui jouent un si grand rôle dans l’histoire des mœurs anglaises. À mesure que ces bases s’élargiront, et elles s’élargissent chaque jour, les ministères tories seront moins défavorables en Angleterre à la cause du progrès. L’aristocratie, qui se console en étalant sa richesse et son luxe dans la cérémonie du couronnement, ne dominera désormais qu’en servant les intérêts libéraux du pays ; et, à cette heure, ces intérêts se trouvent défendus par la bonne harmonie qui règne entre l’Angleterre et la France.

Au nord, les animosités contre la France sont moins actives qu’on ne le pense et que ne le voudrait le parti légitimiste. Il paraît que l’entrevue politique de l’empereur de Russie et du roi de Suède a eu principalement trait à quelques fortifications élevées dans la Finlande, qui formaient un sujet de difficultés entre les deux gouvernemens. Quant à la répétition de l’entrevue d’Abo, nous croyons qu’il y eût manqué un interlocuteur, le roi de Suède, en qui la prudence et l’attachement pour sa patrie d’adoption n’ont pas étouffé les sentimens patriotiques qu’il a conservés pour la France. Le désir de la délivrer d’une oppression qui lui semblait injuste, a pu le faire marcher une fois contre elle ; mais ce n’est pas le roi élu et constitutionnel du Nord qui prendrait parti contre la monarchie constitutionnelle élue en 1830.


— Le roman de Stello, de M. Alfred de Vigny, vient d’être publié dans la collection de ses Œuvres complètes[1]. C’est pour nous une nouvelle occasion d’applaudir à une publication si digne d’encouragemens et de la signaler à l’attention du public littéraire. Par sa généreuse ironie, par le scepticisme qui s’y révèle, Stello se distingue nettement des autres ouvrages de l’auteur d’Eloa. Discuter le mérite de cette œuvre, est à présent une tâche inutile. L’élévation de la pensée, la finesse de la forme, ont, depuis long-temps, marqué la place de Stello parmi les plus durables productions de la littérature actuelle. Espérons que le Docteur Noir rompra bientôt le silence qu’il garde depuis trop long-temps, et que nous aurons prochainement sa Seconde Consultation, si impatiemment attendue.


— Parmi les publications nouvelles, nous devons signaler un roman de M. Hippolyte Fortoul, Grandeur de la vie privée. Déjà connu par des travaux critiques, M. Fortoul a révélé, dans cette œuvre, des qualités remarquables qui appellent l’attention. Nous reparlerons de ce livre.



F. Buloz.
  1. vol. in-8o, chez Delloye, place de la Bourse.