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LA SICILE.

Naples ; et tout en assiégeant Naples et conquérant la Pouille, ces grands fondateurs de toutes choses créaient sur leur route Manfredonia et d’autres cités, restées en témoignage de la grandeur de cette race arabe, qui laissait de belles villes sur sa route, au lieu des ruines qui marquent, en tous lieux, le passage des dominateurs forcés d’abandonner leurs conquêtes.

Mainfroi, ayant répandu la nouvelle de la mort de son pupille Conradin, héritier du trône de Sicile, après Conrad, entra à Naples avec sa garde sarrasine, et fut nommé roi. Ce fut le signal de luttes terribles en Sicile. Presque toutes les villes, à l’exception de Messine, se déclarèrent contre Manfred, et bientôt Messine elle-même se révolta. Les guerres et les révolutions de la Sicile ont toujours présenté les reviremens les plus inattendus. Un capitaine de quelques lances sortit de la vallée de Mazzara, marcha contre Palerme, et bientôt toute la Sicile fut pour Manfred, à l’exception d’Enna, son point central, le nombril de la Sicile, comme la nomment les historiens. Une fois couronné roi de Sicile à Palerme, Manfred s’en alla résider à Naples, laissant un justicier et un gouverneur, Federigo Moletta, pour diriger les affaires de Sicile. Avant cette époque, c’était à Naples que résidait le gouverneur de la Calabre et de la Pouille, et à Palerme que siégeait le roi.

Le pape Urbain avait succédé au pape Alexandre. Le nouveau pontife ne voulut pas reconnaître pour roi de Sicile Manfred, qui avait usurpé le trône de Conradin, en supposant sa mort, et qui l’avait usurpé à l’aide d’une armée de Sarrasins. Urbain donna en conséquence le trône de Sicile, non pas à Conradin, à qui il appartenait, mais à Charles, comte d’Anjou, frère du roi de France. Ce don lui fut confirmé par Clément IV, qui succéda à Urbain, et qui était Français de nation. Charles s’en vint donc de Marseille avec Béatrice, sa femme, et, suivi de trente galères montées de bons soldats, aborda à Ostie, d’où il se rendit à Rome. Il y fut reçu avec de grands honneurs par le légat apostolique, qui, en l’absence du pape alors à Pérouse, lui plaça sur la tête, dans l’église de Saint-Jean-de-Latran, la couronne de Sicile, et lui donna l’investiture de ce royaume et de tout le pays, depuis le détroit de Messine jusqu’aux confins des états pontificaux. Le nouveau roi s’engagea, pour lui et ses successeurs, à payer tous les ans au pape quatre cent mille scudi d’or, et à lui envoyer, tous les trois ans, une haquenée blanche le jour de saint Pierre apôtre. Ce dernier tribut fait encore, à cette heure, le sujet d’un différend entre le saint-père et le roi des Deux-Siciles, qui a gardé