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LA SICILE.

en observation près des côtes de Sicile, sous le prétexte de faire une expédition à Bone, en Afrique. Ce fut en sa faveur que l’on conspira.

Assurément ce n’étaient pas là seulement les préparatifs d’un soulèvement populaire. Procita voyagea pendant plusieurs années. Il alla plusieurs fois de Rome à Constantinople et de Constantinople en Espagne, porter les paroles du pape à l’empereur, l’or de l’empereur au pape, stipuler pour les droits de Pierre d’Aragon. Enfin il se rendit de Constantinople à Malte, avec Accardo Latino, secrétaire de l’empereur. De là, remontant seul sur sa speronara, il longea les côtes de Sicile, s’arrêtant chaque soir dans les bas-fonds de la côte depuis le cap Passaro jusqu’au cap San-Vito, et doublant les caps Scalambra, San-Marco et Granitola. À l’entrée de la nuit, il se glissait dans chaque bourg de la côte, sous ses habits de moine, voyait ses amis secrets, et les tenait instruits des progrès de son entreprise. Il en fit autant à Trapani, où il décida comme partout quelques-uns des principaux du lieu à se rendre à Malte pour s’assurer, de la bouche du secrétaire de l’empereur, de la réalité des espérances qu’il leur apportait en son nom. De retour à Malte, où le secrétaire de l’empereur eut de longues conférences avec les conjurés, Procita monta sur une galère impériale, et se rendit, avec Accardo, à Barcelone, pour retrouver Pierre d’Aragon, et lui faire promettre de venir régner en Sicile après le massacre des Français. L’accord fut long, et rien ne fut donné au hasard ni compromis par la précipitation ; car une triple prudence siégeait dans ce conseil, tenu par un Grec, un Espagnol et un Sicilien. Un évènement imprévu vint cependant traverser ce projet, car, en retournant en Sicile, Jean de Procita fut rencontré en mer par des marins pisans qui lui apprirent la mort de Nicolas III et l’avènement de Martin IV, grand ami des Français. Nicolas III emportait avec lui tout à la fois les espérances de Procita et l’argent de Paléologue.

Procita revint à Trapani, tout aussi résolu que s’il n’y avait pas eu un pape de moins en cette affaire. À peine arrivé, il alla de val en val, de montagne en montagne, préparer partout ses amis au grand coup qui allait se frapper.

Pierre d’Aragon ne se rebutait pas non plus. Il avait bien jugé de Procita, et s’était dit qu’un tel homme, quand il promet un trône, le donne bientôt aussi. Il continuait donc les armemens de sa prétendue expédition de Bone. Mais comme ces préparatifs augmentaient chaque jour, le nouveau pape Martin fit demander à Pierre d’Aragon, par son légat, de lui faire connaître la pensée qui le dirigeait, en réalité,