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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/166

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REVUE DES DEUX MONDES.

la Sicile, où ils étaient soufferts. Le roi Frédéric obligea seulement les Maures à porter un bâton rouge long d’une palme, et les Juifs à mettre un morceau d’étoffe jaune, en forme de roue, sur leur veste.

Les institutions municipales, qui avaient germé en Sicile, s’étaient alors répandues dans toute l’Europe. En 1137, Louis-le-Gros avait concédé un grand nombre de chartes et de priviléges de communes. Frédéric Barberousse, qui voyait également la nécessité de donner un contrepoids à la puissance de la noblesse, avait considérablement augmenté le nombre des priviléges accordés aux villes d’Allemagne par Henri l’Oiseleur. En Angleterre, les rois normands avaient confirmé tous les priviléges de bourgeoisie, accordés du temps des Saxons ; mais nulle part les franchises politiques n’étaient aussi nettement établies que dans le royaume d’Aragon, dont les souverains se trouvaient appelés à gouverner la Sicile. C’était une assemblée publique qui confirmait au roi la possession de la couronne lors de son avénement, après lui avoir fait jurer de respecter les droits de la nation. Ces assemblées réglaient aussi les impôts, le mode de fabriquer la monnaie, et décidaient de la paix et de la guerre. Quand les cortès d’Aragon n’étaient pas assemblées, un magistrat élu par elles, et nommé justitia, dont les attributions répondaient à peu près à celles de grand justicier, veillait à l’exécution des lois, et suspendait les ministres, ainsi que les juges qui les violaient. Les Aragonais jouissaient encore d’un droit unique en Europe. On sait qu’ils pouvaient déposer le souverain qui avait manqué à ses sermens. En pareil cas, les nobles de première et de seconde classe, ainsi que les magistrats des cités, s’assemblaient pour réclamer les droits méconnus, et, en cas de refus, gouvernaient le pays jusqu’à ce que l’ordre fût rétabli. Le gouvernement de la Sicile se ressentit un peu, dans les premiers règnes des Aragonais, de ces idées et de cet ordre de choses.

Dans les villes de Sicile, l’administration communale était confiée à un corps de bourgeois, nommés jurés. Ce corps était présidé par un patricien. Dans ses attributions se trouvaient celle de veiller à l’approvisionnement de la ville, à la régularité des poids et des mesures, à l’ornement et à la restauration des édifices publics, celle de punir les contraventions parmi les marchands, etc. Il fallait avoir vingt-cinq ans pour être juré. Les jurés étaient élus pour trois ans, et un certain traitement leur était attribué. Ils avaient un palais pour se rassembler ; on le nommait la loggia, et on y conservait les archives communales. Il y avait dans les villes quatre commandans, nommés capixurta, chargés de veiller à la sécurité de la ville et des villages