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LA SICILE.

Sous Ferdinand-le-Catholique, qui précéda Charles V sur les trônes d’Espagne et de Sicile, l’espèce de tolérance qui régnait en Sicile, fit place à la persécution. Les Maures et les Juifs furent chassés des deux royaumes de Ferdinand. La Sicile était à peu près en état de révolte quand il mourut ; les soldats espagnols avaient été massacrés à plusieurs reprises, et vingt cadavres de conjurés siciliens étaient encore suspendus aux fenêtres de la chancellerie du vice-roi Hugo Montecatino, quand on reçut la nouvelle de la mort du roi.

Le 13 de septembre 1532, Charles-Quint, revenant de l’expédition de Tunis, fit son entrée à Palerme, monté sur un beau cheval caparaçonné d’or, don du sénat sicilien ; il se rendit au Dôme, où il jura trois fois, selon l’usage, de respecter les lois et les franchises de la cité et du royaume. De là, il traversa toute la belle rue du Cassaro, aux acclamations du peuple, pour se rendre au palais de Guillaume Aintomicristo qu’il avait choisi pour sa demeure. Dans le parlement qu’il présida, il annonça qu’il était venu pour connaître un peuple si fidèle, remédier au désordre de l’administration, et que sa tâche était d’opérer le bien-être de la chrétienté en la délivrant des attaques des infidèles. Il termina en demandant des subsides considérables qui lui furent accordés. L’empereur parcourut une partie de la Sicile, et, à Messine, les fêtes de Palerme furent encore surpassées.

Il faut savoir que Palerme et Messine ont été de tout temps deux villes rivales, ennemies, et que leurs divisions, imitées par les autres villes, ont été l’une des causes de la décadence de la Sicile. J’ai sous les yeux un livre écrit par un des hommes les plus distingués que possède aujourd’hui la Sicile, trop jeune pour avoir assisté aux dernières divisions de son pays, mais d’un esprit trop mûr, et d’une science trop profonde pour en méconnaître les causes[1]. Bien que l’auteur de cet écrit appartienne à Palerme, et qu’il n’ait pu se défendre de quelque partialité pour sa ville natale et pour la cité où il exerce avec honneur les fonctions de premier magistrat municipal, on ne peut méconnaître le sentiment de justice qui éclate dans ses patriotiques regrets. Du temps de Charles-Quint, ces haines municipales, qui avaient sommeillé depuis les vêpres, se réveillèrent avec plus de furie que jamais, et ce fut aussi en les favorisant que les vice-rois espagnols assirent leur pouvoir excessif ; triste moyen de gouvernement qu’on a essayé de faire revivre depuis, mais qui sera

  1. Considerazione sulla storia di Sicilia, di Pietro Lanza, principe di Scordia. Palermo, 1836.