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LA SICILE.

institution de la garde urbaine, et l’usage encore plus ancien, mais abandonné, des phares, qui communiquaient entre eux par des fanaux, de sorte qu’en un moment on pouvait signaler, sur tous les points de l’île, l’apparition des barques ennemies. Cette institution existe encore. Sur la montagne de Sainte-Rosalie ou Monte-Pellegrino, qui s’élève à une prodigieuse hauteur, au couchant de la rade de Palerme, à la cime de cet ancien Mons-Ereta, où les anciens Carthaginois se retranchaient si souvent dans les guerres puniques, on aperçoit, de la mer, une petite tour blanche bâtie sur les rochers. Une sentinelle est placée au haut de cette tour, et dans un isolement complet. Aussitôt qu’elle aperçoit un pavillon, elle le signale au moyen de fanaux dont les formes sont variées. Cet avis se communique de la sorte entre quarante-sept tours semblables placées sur les points culminans des côtes de Sicile, et en moins d’une heure on sait au cap Passaro, qui se trouve dans la mer d’Afrique, qu’une voile s’est présentée devant le cap Gallo, dans la mer Tyrrhénienne, et se dispose à franchir la rade de Palerme. La surveillance de la Sicile s’opère ainsi d’une manière admirable et avec une parfaite unité qu’on pourrait obtenir facilement dans toute l’administration.

Sous Philippe II, qui possédait Milan, Naples, les îles de Sicile, de Sardaigne et de Corse, on créa un conseil suprême pour les affaires d’Italie. Il se composait d’un ministre pour chaque pays, et à ces ministres étaient adjoints quelques Espagnols. Les affaires de Sicile se trouvaient ainsi dirigées du dehors par ce conseil, qui résida d’abord à Madrid, puis, selon les changemens de dynastie, à Turin, à Vienne. Il dura jusqu’à Charles III de Bourbon, qui le remplaça par la junte suprême de Sicile, séante à Naples. Suivrons-nous encore l’histoire de Sicile, maintenant qu’elle est à Madrid, à Turin, à Vienne, à Naples ? L’histoire d’un peuple qu’on administre hors de chez lui et sans lui, n’a plus d’intérêt que pour lui-même, et la Sicile ne reparaît en réalité, sur la scène historique, qu’à deux courtes époques, celle où Victor-Amédée, duc de Savoie, lui rendit une sorte d’indépendance, et le temps où elle offrit à la fois un refuge à la maison de Naples et un point de résistance à l’Angleterre, aux portes de l’Italie, contre la puissance de Napoléon. Deux mots encore à propos de ces deux dates, et nous pourrons aborder la Sicile actuelle, après avoir ainsi indiqué toutes les traces que nous y trouverons.

Les parlemens de Sicile ne furent plus assemblés par les vice-rois que pour voter les sommes dont ils avaient besoin. On a beaucoup