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un établissement de bains, d’excellentes auberges et des marchés bien fournis de viandes, de poissons et de vins ; sa baie, profonde de 15 à 30 brasses, est assez vaste pour contenir 300 vaisseaux marchands ; ses maisons, neuves la plupart, sont bâties en pierre que l’on tire d’une carrière située dans les montagnes qui avoisinent la ville.

L’aspect d’Oban, au milieu d’une belle soirée, était encore rendu pour nous plus gai, plus vivant, par le souvenir du manoir désolé de Dunstaffnage ; et cependant les environs de la ville naissante sont agrestes, et la campagne qui l’entoure est dominée par de hautes montagnes que le vent d’ouest a dépouillées. Couvertes de mousses et de bruyères de la base au sommet, ces montagnes présentent çà et là de larges bancs de rochers bleuâtres ou roussâtres, de brèches et de schistes disposés par couches. La mer qui baigne la côte d’Oban est coupée par de hauts promontoires et par des groupes d’îles qui se réunissent à l’horizon, et forment de longues chaînes de montagnes irrégulièrement dentelées, que dominent du côté du sud deux énormes pitons, les mamelons de Jura (paps of Jura) situés dans l’île du même nom.

Pendant que nous nous promenions sur le port, le patron d’une barque s’approcha de nous en souriant :

— Vous êtes étrangers ? nous dit-il.

Nous répondîmes affirmativement.

— D’où venez-vous ? où allez-vous ? ajouta-t-il avec l’air de curiosité naturel aux montagnards.

— Nous venons de Glasgow ; nous voulons visiter les îles.

— L’île de Mull, peut-être ?

— Oui, l’île de Mull.

— En passant par le Pont des Galls ?

— Non, en prenant le bateau de Kerrera.

— Le pont des Galls vaudrait mieux. Le Pont des Galls, c’est une bonne barque de pêcheurs comme celle de Mac-Dougal de Lismore, une barque qui vous transportera à Aros à l’autre bout de l’île de Mull en moins de temps que vous n’en mettrez pour passer de Kerrera à Achnacraig, à moins que dans le trajet vous ne vouliez vous donner le plaisir de la pêche.

Mac-Dougal de Lismore, qui nous offrait si gracieusement sa barque, devait partir le lendemain pour Aros. Profitant donc de l’occasion, nous louâmes la seule cabine du bâtiment pour quelques schellings, nous y fîmes porter nos bagages, et le lendemain, au point du jour, nous mettions le pied sur le Pont des Galls, comme Mac Dougal et ses trois hommes achevaient de lever l’ancre. La journée était magnifique et le vent favorable. Au moment où nous doublions la pointe de la grande île de Lismore, nous vîmes le soleil se lever, avec une splendeur peu commune dans ces contrées et dans cette saison, sur les hauts sommets du Ben-More et du Ben-Lomond. Le vent et la marée descendante nous favorisaient ; aussi, après quelques heures de navi-