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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/21

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LA TERREUR EN BRETAGNE.


« Citoyen,

« L’indignation et la douleur ont éclaté de toutes parts à la nouvelle de l’illégale arrestation de vingt-deux membres de la convention nationale et de la commission des douze. Les citoyens d’Ille-et-Vilaine ne laisseront pas impuni l’attentat criminel commis par une faction dominatrice et sanguinaire, la violation de tous les droits de l’homme, l’interception de toutes les lettres, de toutes les feuilles périodiques entre Paris et les départemens. Vos concitoyens n’ont pas vu sans une surprise extrême l’indifférence avec laquelle vous leur avez annoncé l’arrestation de Lanjuinais, dont ils ont eu, dans tous les temps, l’occasion de reconnaître l’intégrité, la lumière et le patriotisme soutenu. La convention nationale n’est plus libre. »


Or, ce même Lanjuinais, dont on avait fait l’apothéose, était maintenant proscrit et en fuite ; la faction sanguinaire et dominatrice était triomphante ! Il fallait lui donner des gages de repentir, apaiser la colère de ces nouveaux Teutatès par quelques sacrifices ! Mais prendre des victimes parmi les forts, eût été difficile ou dangereux ; on les chercha parmi les plus faibles et les plus abandonnés.

Grâce à Leperdit, les religieuses attachées à l’Hôtel-Dieu de Rennes continuaient à remplir leur mission de charité. Carrier s’était montré surpris à leur aspect, et les avait tancées sur l’approbation secrète qu’elles pouvaient donner aux prêtres réfractaires ; mais la bonne tenue de l’hôpital l’avait fait passer outre. Après son départ, on sut que deux de ces religieuses avaient reçu d’une Vendéenne que l’on conduisait au supplice (et qu’elles avaient précédemment soignée) un anneau d’or, comme souvenir de reconnaissance. C’en fut assez pour les sans-culottes d’élite, qui cherchaient une occasion de prouver leur patriotisme à la montagne. Ils s’écrièrent qu’il y avait connivence entre les sœurs et les brigands ! Cet anneau donné était évidemment le prix de quelque trahison ; le salut de la république était compromis ; il fallait faire un exemple, etc. Bref, ce fut l’histoire des animaux malades de la peste ; l’anneau remplaçait l’herbe d’autrui mangée par le malheureux Aliboron. Les deux sœurs furent donc arrêtées et conduites en prison.

Leperdit l’apprend : voulant éviter des débats qui auraient compromis l’autorité des juges ou la sienne, il se rend directement à la tour Le Bast, où les nonnes étaient retenues.