Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
22
REVUE DES DEUX MONDES.

homme auquel les vieilles républiques eussent élevé des statues ! Hâtons-nous de le dire pourtant, cette aumône d’une tombe ne fut point refusée par les citoyens de Rennes, et ceux qui visitent aujourd’hui le cimetière de cette ville peuvent voir, près de la grille d’entrée, une colonne de granit sur laquelle se lit cette épitaphe simple :

LEPERDIT, ANCIEN MAIRE DE RENNES,
ET DOYEN DES TAILLEURS.

Mais le plaisir de raconter une noble vie nous a fait suspendre le récit de notre séjour à Rennes pendant la terreur ; il est temps d’y revenir.

iii.

J’avais enfin terminé les affaires qui me retenaient dans la capitale de l’ancienne Bretagne ; le jour du départ était arrivé. Après m’être muni d’un passeport signé par les chefs militaires, et destiné à lever tous les obstacles qui auraient pu entraver mon voyage, je me rendis chez le citoyen Benoist, afin de prendre congé de lui. Il venait de partir pour Nantes, chargé d’une mission spéciale, et sa femme était sortie. J’allais me décider à écrire quelques lignes d’excuses, lorsque Mme Benoist rentra. À mon aspect, elle jeta un cri de joie.

— Je craignais que tu ne fusses parti, citoyen, dit-elle.

— Je venais te faire mes adieux.

— Tu vas à Brest ?

— Oui.

— En traversant les Côtes-du-Nord ?

— Sans doute.

— Ne peux-tu prendre la route du Morbihan et passer par la Roche-Bernard ?

— Le chemin est difficile et dangereux de ce côté ; je risquerais de tomber aux mains des chouans.

— S’il le fallait, pourtant ? Ne t’exposerais-tu pas aux dangers de la route pour sauver quelqu’un ?

— C’est selon.

— Il s’agit d’une jeune fille dont tu as vu autrefois les parens.

Elle me dit un nom qu’il ne m’est point permis de répéter, et qui, en effet, m’était connu.

— Tu peux lui sauver l’honneur, et peut-être la vie.