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ration militaire. Il y avait donc grande déconvenue pour les illusions bonapartistes.

Le jeune fils de la reine Hortense était sous le coup de ses étourderies et de la clémence du roi. L’acquittement imprévu des accusés rendit même pour eux l’opinion plus sévère ; le bon sens public les jugea, à défaut du jury de Strasbourg, et l’impunité dont ils jouirent mit encore plus à nu la déraison de leur entreprise. Voilà la déchéance morale dont le napoléonisme a tenté de se relever : il a voulu protester contre la défaveur générale dont il se sentait atteint et blessé ; aussi, après avoir été contraint de rendre son épée, il a pris la plume et s’est fait pamphlétaire.

C’est déjà quelque chose que cet hommage involontaire rendu à l’opinion. Les gardes prétoriennes, au IIIe siècle, n’usaient pas de la liberté de la presse, et les capitaines romains qui ravissaient l’empire n’écrivaient pas de brochures. Le prince Louis et ses amis ont senti la nécessité de secouer le ridicule dont leur conduite était couverte, et de se créer une importance. Dans cette intention, ils ont répandu à dix mille exemplaires une relation historique des évènemens du 30 octobre 1836 ; ils ont écrit que leur entreprise avait été mal jugée, et dans les motifs qui l’ont amenée, et dans ses moyens d’exécution, et dans ses résultats ; ils se sont efforcés d’établir le dogme de la légitimité impériale ; ils ont montré le jeune Louis en rapport avec les hommes influens de tous les partis, et obéissant aux convictions les plus impérieuses sur la nécessité de sa présence en France. Si le coup de main de Strasbourg a échoué, c’est la fatalité qui a prononcé ; enfin le gouvernement lui-même, par sa conduite, a reconnu dans le prince la dynastie napoléonienne. La brochure a pour appendice les proclamations adressées en 1836 au peuple et à l’armée.

Puisque les ambitions napoléonistes s’étaient décidées à braver l’examen de la raison publique, que devait faire le gouvernement, si ce n’est de répondre à cette audace par l’appel le plus éclatant au tribunal de l’opinion ? Et dans ce dessein il devait choisir, pour y porter le débat, la juridiction la plus élevée et la plus politique.

Si jamais cause appartint naturellement à la cour des pairs, c’était celle-ci. La question roulait sur les plus grands intérêts : il y avait là des prétentions folles qui méritaient une répression pour le présent, un avertissement sévère donné pour l’avenir par un des grands corps de l’état, et la censure de l’opinion publique. D’une part, la cour des pairs avait qualité plus qu’aucune autre juridiction pour juger la thèse de la dynastie napoléonienne, et elle était appelée par son arrêt