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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/272

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par l’admission de la majorité aux affaires, le retour au pouvoir de leur parti ; c’est, en d’autres termes, demander si le parti doctrinaire est la majorité de la chambre. Ce parti répondra qu’à l’aide du centre gauche, de l’extrême gauche et des voix légitimistes, il se trouve en majorité. Nous le contesterions encore, et l’histoire de la session nous fournirait plus d’un exemple contraire ; mais cette assertion fût-elle vraie, s’ensuivrait-il que cette majorité bariolée réunirait les conditions nécessaires pour gouverner le pays ? Nous parlons des conditions parlementaires. Quand une opposition compacte, comme est en Angleterre l’opposition tory, depuis que le radicalisme ne vote plus avec elle, grossit numériquement au point de devenir une majorité, ou simplement même une imposante minorité, il est évident que ses principes l’emportent. Il faut lui ouvrir largement les portes du pouvoir. C’est, dans l’esprit du gouvernement constitutionnel, la voix du pays qui est censée parler. Lui obéir est un devoir ; et quoi qu’on fasse en pareil cas, il est impossible d’écarter des affaires un parti qui se présente de cette façon. Mais c’est un parti. Il n’y a pas d’anarchie dans l’état, et le passage de la domination d’un principe à celle d’un autre principe, s’opère sans secousse. Telle est l’institution, tel est le but du gouvernement représentatif, qui n’est qu’une suite de révolutions paisibles, d’émeutes légales, dont toutes les perturbations sont signalées d’avance, prévues et calculées, afin qu’il n’y ait jamais d’autres secousses dont on ne pourrait pressentir la portée. Un ministère n’a pas besoin d’être attaqué avec la violence que nous voyons aujourd’hui, quand les choses en sont venues à ce point ; c’est là le véritable régime constitutionnel ; mais nous avons eu souvent l’occasion de le dire depuis le commencement de la session qui vient de se clore, une réunion, une cohue de minorités, pourrait-on dire, ne forment pas un parti. C’est là, si l’on veut, une assez forte opposition qui peut entraver les affaires, comme nous l’avons vu, mais ce n’est pas une majorité capable de les prendre et de les diriger. Ainsi le ministère ferait encore plus de mal qu’il ne fait, qu’il faudrait trouver d’autres élémens pour l’abattre. On s’écrie sans cesse qu’il tombera au commencement de la prochaine session ; nous disons, nous, qu’il restera debout, si on l’attaque comme on l’a attaqué dans la session dernière ; non pas qu’on l’ait faiblement attaqué, mais parce que l’opposition a pris une fausse route. Le bon sens du pays ne s’y trompe pas. Aussi l’émotion de la presse de Paris n’a-t-elle pas dépassé les barrières, et il est bon d’avertir les feuilles qui s’évertuent à crier à la ruine des idées constitutionnelles, que leurs discussions sont parfaitement inintelligibles dès la seconde borne militaire, et même, la plupart du temps, dans les faubourgs de Paris.

Nous ne sommes pas de ceux qui crient à l’opposition comme une injure : « Vous n’êtes que des ambitieux ! Vous ne voulez que le pouvoir ! » Les ministres actuels ont été aussi des ambitieux avant que d’être ministres ; eux aussi ils ont voulu le pouvoir. Rien de mieux que cette ambition si l’on y joint un peu d’amour de son pays. Or nous croyons que chacun aime son