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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/274

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REVUE DES DEUX MONDES.

Cette devise est la même pour tous : réalité du gouvernement parlementaire. Les doctrinaires veulent le gouvernement parlementaire. Ils ont combattu pour cela en 1830 (ont-ils combattu ?). Le gouvernement parlementaire, faussé par la restauration, s’était retrouvé au 11 octobre, à l’époque où l’on mettait la capitale en état de siége et où l’on élaborait les lois de septembre. Il existait dans toute sa plénitude quand le ministère soumettait à regret à la chambre le traité des 25,000,000 dus aux États-Unis ; quand M. Guizot et ses amis s’apprêtaient, en soupirant, à soutenir la loi d’apanage. Ce gouvernement s’est perdu depuis, il a cessé d’exister depuis l’amnistie, depuis que l’orgueil national se satisfait par la possession définitive de l’Algérie, depuis qu’on a renoncé à la loi de disjonction et à d’autres lois pareilles. Un ministère de récompense à qui le retrouvera !

Le centre gauche veut aussi le gouvernement parlementaire. La partie du centre gauche, qui figure dans l’opposition, n’a, en effet, jamais transigé avec des idées moins absolues ! On ne l’a jamais vue, depuis 1830, appuyant des mesures peu parlementaires comme, par exemple, la loi sur la gendarmerie dans les départemens de l’ouest et la mise en liberté de Mme la duchesse de Berry. N’importe, le centre gauche veut ce qu’on appelle le gouvernement parlementaire quand on n’est pas du gouvernement, et ce qu’on nomme le gouvernement impossible quand on est aux affaires. Au moins est-il juste de dire qu’il l’a toujours demandé en théorie, et c’est en cela surtout qu’il diffère des doctrinaires.

Mais les amateurs, les défenseurs enthousiastes du pur gouvernement parlementaire ne se trouvent pas seulement dans ces deux nuances d’opinions. Les légitimistes, par l’organe de la Gazette ; les républicains, par la voix du National ; les bonapartistes, par leurs publications et proclamations, réclament tous à grands cris ce gouvernement constitutionnel que nous n’avons pas sans nul doute, et qui commencera, pour les uns, à la convocation des états-généraux ; pour les autres, au prochain champ-de-mai ou à la réunion générale des comices populaires. Tout cela s’appelle confusément, pour l’heure présente, le gouvernement et les idées parlementaires ; cet ensemble de vues si conformes, se nomme en masse l’opposition ! C’est là ce qu’on énumère, quand on parle de la majorité de la chambre et de l’opposition des vingt principaux journaux de Paris ! S’il s’agit d’entrer au ministère comme on est entré à l’Hôtel-de-Ville en 1830, pêle-mêle, sauf à se reconnaître et à s’éliminer après, à la bonne heure ! Les doctrinaires ont alors quelque chance, même s’ils arrivent les derniers comme alors. Mais il nous semblait que nous n’en étions plus là, et que les leçons du passé nous avaient appris à tous à procéder avec moins de tumulte à l’arrangement de nos affaires. Il nous semblait qu’après tous ces enseignemens il y avait quelque espoir d’être écouté, en disant à l’opposition, que nous appellerons volontiers l’opposition au ministère : Renoncez à des attaques qui sont puériles de votre part, et qui donnent lieu à des attaques plus sérieuses de la part de l’opposition au gouvernement. S’il est vrai que vos principes soient assez différens de ceux de ce ministère, et qu’ils