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centre dégarni et des lignes sans profondeur, transperçables sur tous les points.

Après avoir agrandi la Russie outre mesure et dénaturé le rôle de la Prusse, il ne restait plus au congrès de Vienne qu’à mutiler la France et à l’enlacer dans une ceinture d’ennemis. La révolution belge a brisé par la moitié le cercle redoutable dans lequel les Popilius modernes avaient voulu enfermer notre belle patrie. Ces places fortes dirigées contre nous, entretenues et surveillées par les gouvernemens qui nous avaient vaincus, sont aujourd’hui retournées contre eux ; elles sont devenues notre boulevart du côté du nord, et, comme il a été si bien dit, l’Europe ennemie a reculé de la Meuse sur l’Escaut. Mais notre émancipation territoriale n’est point complète encore : elle ne le sera que le jour où, reportant nos limites sur le Rhin, nous aurons fixé la Prusse et la Bavière sur la rive droite de ce fleuve. Tout ce qui, en France, porte un cœur dévoué à la grandeur de son pays, tout ce qui veut sa sécurité, doit souffrir de notre faiblesse territoriale, et appeler, de toute l’énergie de ses vœux, l’occasion d’en sortir. Ne permettons point à notre patriotisme de s’énerver dans les mollesses de la paix et à notre mémoire d’oublier ce que nous fûmes autrefois. Disons-nous sans cesse, et rappelons à tous ceux qui seraient tentés d’en perdre le souvenir, que, tandis que la Russie, l’Angleterre, l’Autriche et la Prusse, ont agrandi démesurément leur puissance depuis cinquante ans, la nôtre a été violemment refoulée en-deçà des limites qu’elle avait du temps de Louis XV ; répétons sans cesse que tout notre ancien système fédératif est dissous ; que, sur les ruines de la Pologne, de la Suède et de la Turquie, toutes dévouées autrefois à notre politique, s’élève la Russie qui menace l’Occident ; qu’enfin, à la place de ces électorats qui servaient de corps intermédiaires entre nous et l’Allemagne, et nous donnaient accès dans le corps germanique, s’est développée, à quelques journées de marche de Paris, la Prusse, instrument de la Russie. Certes, parce que nous avons été admirables de modération depuis 1830, l’Europe aurait tort de croire que nous avons pour jamais renoncé à des possessions indispensables à la sécurité de nos frontières et de notre capitale. Nous ne sommes point enchaînés à tout jamais à un système de paix qui ne peut être qu’un ajournement, et le jour où la guerre aura éclaté sur un point, nous aussi nous entrerons en scène et nous ferons valoir nos droits,

L’Europe a donc une grande tâche à remplir, c’est de réparer les fautes du congrès de Vienne et de réorganiser tout l’ensemble de son système d’après les lois d’un meilleur équilibre. La crise de l’Orient