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AFFAIRES D’ORIENT.

vinces situées entre le Niémen et la Wartha, et que, de plus, elle fît l’acquisition de la Saxe, elle n’aurait plus seulement les insignes et les prétentions d’une monarchie de premier ordre, elle en aurait la puissance réelle. Au lieu de se mettre au service de la Russie, comme ces ambitieux qui ont leur fortune à faire et qui se donnent corps et ame à celui dont ils attendent pouvoir et grandeur, elle prendrait l’attitude imposante et calme d’un état qui s’est complété et qui n’a plus à faire usage de sa force que pour contenir les ambitions turbulentes de ses voisins.

La réunion du duché du Bas-Rhin à notre territoire entraînerait nécessairement celle des provinces bavaroises situées sur la rive gauche du fleuve. Sans doute, il serait possible de trouver, au milieu de tous les changemens auxquels donnerait lieu un remaniement général du système européen, une combinaison de nature à indemniser la cour de Munich et la maison de Saxe.

La possession des provinces rhénanes n’assurerait pas seulement à la France sa ligne militaire du nord-est, elle fixerait pour toujours dans son système le nouveau royaume belge. Il ne faut pas qu’elle s’abuse sur le caractère et la portée de cette création de fraîche date. La Belgique s’essaie à l’indépendance et à la vie politique, et les années de paix qui s’écoulent sont pour elle, sous ce rapport, des années de sérieuse expérience. Dans l’esprit de beaucoup de gens, son existence future reste encore un problème. Elle n’est point née viable, dit-on ; politiquement et commercialement, elle étouffe dans les limites qui lui ont été faites. Pays de production, elle ne peut se passer de marchés, et si la France, dominée par les exigences de sa propre industrie, est obligée de lui fermer les siens, elle sera forcée d’en chercher en Allemagne. Déjà la Prusse la sollicite ; elle s’efforce de l’attirer dans son système commercial. Or, dans ces temps de travail et d’industrie, les liens commerciaux sont bien près de devenir des liens politiques, et on ne saurait nier qu’entre la Belgique et les provinces rhénanes, il n’y ait des tendances prononcées à se fondre dans une commune destinée politique et commerciale[1]. Nous formons personnellement des vœux sincères en faveur de l’indépendance et de la prospérité de la Belgique. Une étude approfondie de l’histoire des deux derniers siècles nous a montré Bruxelles et Anvers, objets constans de notre ambition, comme des élémens perpétuels de

  1. Un des publicistes les plus distingués de notre époque, M. de Carné, fortement préoccupé de ces tendances, a dit : Dans vingt ans, la Belgique sera réunie aux provinces rhénanes ou à la France.