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guerre entre nous et l’Angleterre. Or, c’est une habile combinaison que celle qui a eu pour objet de neutraliser ce pays et de trancher ainsi le lien par lequel la Grande-Bretagne se rattachait toujours à nos ennemis, dans toutes nos luttes continentales. Puisse donc le royaume belge n’être pas un point d’arrêt dans la marche des évènemens, une transaction provisoire entre des intérêts opposés pour ajourner leur choc et la guerre ! Notre alliance avec l’Angleterre n’a pas de base plus solide. Mais ce ne peut être qu’à la condition, bien entendu, que la Belgique vivra dans notre alliance intime, qu’elle ne se laissera pas entraîner par des sympathies de commerce dans une sphère opposée à la nôtre ; car, s’il en était ainsi, ce pays perdrait tout droit à notre protection. Au lieu d’être pour nous un boulevart, il ne serait point impossible qu’il ne se redressât un jour contre nous avec sa ligne hérissée de forteresses. Or, il faut tout prévoir et tout craindre. La mémoire des bienfaits est courte dans l’esprit des peuples ; et le plus sûr est de leur ôter, quand on le peut, le pouvoir d’être ingrats. Les provinces rhénanes une fois réunies à la France, la Belgique se trouve coupée de l’Allemagne et incrustée, en quelque sorte, dans notre système. Il ne lui reste plus d’autre alternative que de vivre dans ses conditions actuelles ou de se réunir à nous ; nous ne devons point lui en permettre d’autre.

Dans le nouveau système de délimitations, la place et le pays de Luxembourg seraient naturellement incorporés à la Belgique.

Telles sont, dans leur ensemble, les combinaisons fédératives que la France devrait s’attacher à faire adopter par les cours de Londres, de Vienne et de Berlin, dans une crise décisive d’Orient. Du reste, nous ne nous dissimulons nullement combien il serait difficile de concilier tant d’intérêts divers et à quelques égards contraires. Il y aurait, nous le savons, à vaincre des préventions bien passionnées, des souvenirs encore amers et tout puissans, des habitudes de pensées et de système qui forment, depuis deux siècles, le fond même de toute la politique anglaise et autrichienne. La vieille jalousie qui existe depuis si long-temps entre Vienne et Berlin, a conservé toute sa force : il serait noble sans doute à l’Autriche de savoir étouffer ses passions envieuses et d’en faire le sacrifice à la cause générale. Mais peut-être la passion serait-elle plus forte chez elle que les lumières, et se prêterait-elle de mauvaise grace à rendre la monarchie prussienne grande et puissante. Cette dernière couronne elle-même nous semble un point d’appui bien fragile. Nous nous mêlions des inspirations de sa politique à la fois craintive et ambitieuse. Quelque brillantes que