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Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/406

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REVUE DES DEUX MONDES.

si souvent peints par Pontanus, et aussi les aræ virgilianæ de Scaliger ?

Cette vie heureuse dura trop peu ; les efforts combinés de Louis XII et de Ferdinand-le-Catholique amenèrent la chute de la maison aragonnaise. Sannazar dut quitter les délices de sa villa pour suivre en France celui de qui il la tenait. Ses regrets et sa noble résolution sont consignés dans de beaux vers, qui honorent encore plus son caractère que son talent. Sannazar revint à Naples après la mort de son malheureux maître. Son voyage n’avait pas été inutile aux lettres ; il en avait profité pour recueillir un grand nombre de manuscrits contenant des ouvrages des anciens peu connus ou ignorés. C’est à ses soins qu’on doit les poèmes de Gratius Faliscus, Nemesianus, Rutilius Numatianus, etc. Honorant sa vieillesse par la dignité et la constance qui avaient manqué à Pontanus, il refusa de chanter le conquérant de sa patrie, le principal auteur de la chute de ses rois, Gonzalve de Cordoue. On le voit, il jouissait de plus de réputation que de bonheur. Privé de sa maîtresse, de sa mère, des princes ses bienfaiteurs, il était presque étranger dans cette patrie où son nom était si grand. Les lettres le consolèrent, ainsi que l’amitié d’une dame Cassandra, amitié que, malgré l’âge avancé du poète, l’ardeur des expressions a quelquefois fait appeler d’un autre nom. C’est chez elle, c’est dans une campagne près du Vésuve, qu’il passa une partie de ses derniers jours. Ayant quitté Naples lors de la peste de 1527, il n’y revint guère que pour mourir, à soixante-douze ans, en 1530. Pourquoi ne s’était-il pas retiré dans sa Mergellina ? C’est que cette villa avait été détruite par le prince d’Orange, général de Charles-Quint. Sur l’emplacement, le poète fit bâtir une église à laquelle il donna le nom de Santa Maria del Parto, par allusion à son poème. C’est là que reposent ses cendres, dans un mausolée sur lequel se lit l’épitaphe, composée par Bembo, qui causait tant de colère au président Dupaty :

Da sacro cineri flores ; hic ille Maroni
Syncerus
[1] musa proximus ut tumulo.


Le paganisme a orné le tombeau du poète comme ses vers ; on y voit, sur un bas-relief antique, des satyres et des faunes, et les statues d’Apollon et de Minerve travesties en David et en Judith.

Il n’est pas inutile de connaître la biographie de Sannazar pour

  1. Actius Syncerus était son nom d’adoption dans l’Académie Pontanienne.